"2101, sciences et fiction"
"À la recherche de la vie"
Roland Lehoucq, astrophysicien.
-Alpha du Centaure est un système à deux étoiles qu'on appelle Alpha du Centaure A et Alpha du Centaure B.
Et il est probable, mais pas encore tout à fait certain, que Proxima du Centaure, l'étoile la plus proche de notre Système solaire, fasse partie du système Alpha du Centaure, soit le 3ème élément, mais très éloigné des deux premières étoiles, qui sont, de manière manifeste, en orbite autour de leur centre de gravité commun.
Donc, le système Alpha du Centaure a deux étoiles.
On sait déjà qu'il y a une planète qu'on a détectée de façon indirecte.
Il y en a peut-être d'autres.
On sait, parce qu'on les aurait déjà vues sinon, qu'il n'y a pas de trop grosses planètes, par exemple, comme Jupiter, la plus grosse planète du Système solaire.
On est presque sûrs qu'il n'y a pas de planète comme Jupiter dans ce système.
S'il y en avait une, on en aurait déjà détecté les effets indirects.
Donc, s'il y a des planètes, elles sont de masse suffisamment petite pour qu'on ne les ait pas déjà vues.
Celle qu'on a vue est beaucoup trop proche d'une des étoiles pour que de la vie puisse s'y développer.
C'est une planète un peu désertique, pour faire gros, et probablement essentiellement carbonisée, pour faire plus sûr.
Cette planète-là est là, ça laisse la possibilité qu'il y en ait d'autres, peut-être à des distances plus agréables, pour une éventuelle vie de surface, de leurs étoiles.
On ne sait pas grand-chose d'Alpha du Centaure, bien que ce soit le couple d'étoiles le plus proche du Soleil.
Alpha du Centaure A et B ressemblent tout à fait au Soleil.
Alpha du Centaure A est un petit peu plus grosse et brillante, Alpha du Centaure B, un peu plus petite et moins brillante, mais ce sont deux étoiles de type solaire.
C'est pour ça qu'elles nous intéressent beaucoup, parce qu'on a plutôt tendance à chercher...
On avait plutôt tendance, c'est en train de changer, à chercher des exoplanètes habitables autour d'étoiles ressemblant au Soleil, mais des indices semblent montrer qu'on va trouver peut-être plus facilement, ou il y aura peut-être plus aisément des exoplanètes habitables autour d'étoiles, certes comme le Soleil, mais un peu plus petites, plus froides, qu'on appelle des naines rouges, et Proxima du Centaure est une naine rouge.
Je trouverais extraordinaire qu'il y ait de la vie en dehors de la Terre, mais la seule attitude raisonnable, c'est : "Cherchons et on verra bien."
Il y a des endroits extrêmement excitants, comme peut-être une vie passée sur Mars, peut-être une vie actuelle sous la croûte glacée d'Europe, et peut-être d'Encelade.
Ça, c'est dans le Système solaire, on l'a sous la main, donc cherchons là d'abord, si on a les moyens, un jour, de creuser ces 90 km de glace d'Europe.
Mais sinon, dans la galaxie, pour l'instant, je crains que ce soit hors d'atteinte directe.
Indirectement, les progrès d'observation, des méthodes d'observation et de détection des exoplanètes sont tels, depuis maintenant une vingtaine d'années...
Et le futur, dans les 15 ou 20 prochaines années, semble indiquer qu'on va pouvoir avoir sous la main des dizaines d'exoplanètes telluriques qui vont ressembler à la Terre et qu'on pourra peut-être analyser leur atmosphère et avoir des indices...
Alors, avec ce que ça vaut à des distances aussi considérables...
des indices d'une trace de vie de surface.
Bon...
Je pense que, de mon vivant, on pourra lire, dans les journaux, qu'on a trouvé des indices d'une vie extraterrestre.
La première chose qu'on trouvera sera des bactéries.
Des bactéries, parce que...
la masse vivante la plus importante sur Terre, c'est les bactéries.
Donc, c'est elle qui...
L'humanité est une force tellurique, elle transforme la Terre à l'échelle de la Terre, mais ça n'a pas été le cas pendant longtemps.
À l'époque préhistorique, ce qui transformait la Terre à l'échelle de la Terre, c'était les bactéries, les algues bleues qui, par la photosynthèse, ont produit le dioxygène qui n'existait pas quand la Terre s'est formée.
Donc, c'est cette masse vivante-là qui transforme une planète à l'échelle de la planète, et pas : dans un petit coin, trois plantes qui poussent, une petite herbivore qui va les manger, et elles disparaissent, et trois types qui font brûler du bois...
Ça, c'est des échelles locales.
La seule masse vivante qui peut transformer une planète à son échelle même, c'est les masses bactériennes.
Donc, s'il y a de la vie sur une autre planète, d'abord, les tout petits indices qu'on verra de très loin, c'est quelque chose qui transformera la planète globalement.
Et ça, c'est les bactéries.
Donc, on aura d'abord les indices d'une vie bactérienne, avant de voir les indices d'une vie intelligente.
Parce que la vie, c'est déjà une question, ouverte encore.
La vie, disons, "complexe", qui ressemble à la vie telle qu'on l'imagine...
Quand quelqu'un décrit un être vivant, il ne va pas parler d'une bactérie, ni d'une plante, il parlera d'un cochon, d'une vache, d'un chat, d'une girafe, d'un animal, d'un humain éventuellement, quelque chose qui tombe sous le sens.
Pour en arriver à cette vie-là, quelque chose d'un peu gros, on le voit, c'est macroscopique, c'est déjà des étapes évolutives plus longues.
Et la vie intelligente, c'est encore un autre problème.
Il y a tout un tas de...
Quand les gens pensent à la vie, ils seraient déjà très contents de trouver des bactéries, je pense.
Quand on envisage l'évolution de la vie sur Terre, l'évolution de la Terre comme entité géologique, comme biosphère, l'évolution du Système solaire, de la galaxie et de l'Univers, toutes ces échelles de temps sont considérables au regard de l'échelle de temps humaine.
Nous, c'est quelques années.
Quand on essaye de prévoir un peu une maison qu'on va acheter, sa retraite, ses enfants, on est à quelques années de prédiction ou de projection dans le futur.
Notre durée de vie totale est de 100 ans, dans le meilleur des cas.
Ce sont des durées infimes au regard des échelles géologiques, des temps d'évolution.
L'humanité est sur Terre depuis des millions d'années.
La vie, 3,8 milliards d'années.
La Terre est là depuis 4,56 milliards d'années.
Notre galaxie est là depuis 10 milliards d'années.
L'Univers, depuis 14 milliards d'années, un petit peu moins, 13,8.
Voilà, c'est...
On est ridicules.
On est infinitésimaux là-dedans.
Et en plus, on parle de vie sur Terre, mais la vie intelligente humaine, ce ne sera peut-être qu'un éclair.
Poincaré, le grand mathématicien, disait : "L'intelligence est un éclair dans la nuit, mais cet éclair est tout."
Si ça se trouve, il y a eu un flash d'intelligence sur la Terre.
L'humanité disparaîtra un jour, et il y aura peut-être encore de la vie sur Terre, bien que l'humanité ait disparu.
Il y a eu cette vie intelligente qui a transformé son univers, qui a transformé de la matière inerte pour en faire des objets, pour en faire des moyens de compréhension du monde dans lequel elle vit, qui s'est posé des questions sur ce monde.
Peut-être qu'on est les seuls dans l'Univers à en être capables, peut-être pas.
Mais quelle que soit la réponse, les deux perspectives sont vertigineuses.
Si on est les seuls, on a une responsabilité incroyable de préserver le seul endroit de l'Univers où il y a de la vie intelligente, en l'occurrence nous.
Si on avait la preuve d'être les seuls, on aurait une responsabilité écrasante, je trouve.
Et si on n'est pas les seuls, ça ouvre des perspectives considérables.
Que font ces autres êtres intelligents ?
Comment décrivent-ils le monde ?
Quelles sont leurs physiques, leurs mathématiques, leurs croyances ?
Ça ouvre aussi des perspectives vertigineuses.
Que nous soyons la seule vie intelligente ou pas, les deux perspectives sont vertigineuses.
Donc, de toute façon, on est devant un vertige, littéralement, temporel, spatial et intellectuel.
2101, sciences et fiction
Conception et réalisation : Patrick Chiuzzi
Avec la voix de Johanna Rousset
Avec la participation de Roland Lehoucq, astrophysicien
Images bande dessinée 2101 : Guillaume Chaudieu
Développeur : Thomas Goguelin
Image et son : Patrick Chiuzzi et Robin Chiuzzi
Enregistrement voix : Studio Ghümes
Musique : Ludovic Sagnier
Montage : Yann Brigant
Images additionnelles :
ESO
Zooming in on the centre of the Milky Way - ESO/MPE/Nick Risinger (skysurvey.org)/VISTA/J. Emerson/Digitized Sky Survey 2
Zoom in on Betelgeuse – ESO, P. Kervella, Digitized Sky Survey 2, and A. Fujii
The Earth in 4k – NASA/M. Kornmesser/Music: Johan B. Monell (www.johanmonell.com)
A fly-through of the Alpha Centauri system – ESO/L. Calçada/Nick Risinger (skysurvey.org)
Artist’s impression of Luhman I6B recreated from VLT observations – ESO/I. Crossfield/N. Risinger (skysurvey.org)
Mars in 4k - NASA/M. Kornmesser/Music: Johan B. Monell (www.johanmonell.com)
Illustris simulation of the Universe’s evolution in 8k fulldome
The Illustris Project (visualization by Dylan Nelson)
NASA
The Big Bang – NASA/Dana Berry (Skyworks Digital) : Lead Animator
Shutterstock
Chromatiques
Producteur : Patrick Chiuzzi
Assistante réalisateur : Cécile Taillandier
Assistante de production : Élodie Henry
Universcience
Rédaction en chef : Isabelle Bousquet
Production : Isabelle Péricard
Responsable des programmes : Alain Labouze
Avec la participation d’Amcsti
Remerciements : Eloïse Bertrand, Alice Chiuzzi, Agate Chiuzzi, Delphine Boju, Romain Mascagni, Mathieu Gayon
Avec le soutien d’Investissements d’Avenir et la participation du Centre National de la Cinématographie et de l’image animée
© C Productions Chromatiques / Universcience / Centre de recherche astrophysique de Lyon / 2016