Généalogie de masse
C'est le plus grand arbre généalogique au monde : il relie 13 millions d'individus, l'équivalent des populations belge ou cubaine, et couvre une durée de cinq siècles. Les scientifiques l'ont reconstitué à partir des données disponibles sur geni.com, un site en ligne de généalogie.
Barbara Vignaux - Publié le
Geni.com est l’un des plus importants sites collaboratifs de généalogie. Il réunit les données rassemblées par des millions de passionnés, surtout des Européens et des Nord-américains. L’ensemble constitue une gigantesque base de données facilement accessible en ligne.
Pour en permettre l’exploitation à des fins scientifiques, une équipe israélo-américaine a téléchargé 86 millions de profils et dégagé des relations de parenté. Elle a ainsi reconstitué un arbre généalogique de 13 millions d’individus sur 11 générations, présenté dans la revue Science du 2 mars. L’équipe a même calculé qu’en théorie, si elle avait pu remonter 65 générations en amont, elle aurait pu identifier un ancêtre commun à tous ces êtres humains ! Ces données sont mises à la disposition des chercheurs sur la plateforme FamiLinx.org.
Ce premier travail effectué, l’équipe a étudié les grandes tendances parcourant cet arbre gigantesque. Certaines étaient prévisibles, comme la grande migration transatlantique à partir du XVIe siècle et surtout du XVIIe siècle, ou l’élévation du taux de mortalité durant la Guerre de Sécession et les deux Guerres mondiales.
D’autres sont plus étonnantes, comme le lieu d’origine du conjoint. Avant 1750, la plupart des Américain(e)s rencontraient leur futur(e) conjoint(e) dans un rayon de dix kilomètres seulement autour de leur lieu de naissance. Deux siècles plus tard, en 1950, cette distance était décuplée pour atteindre 100 kilomètres ! Une autre évolution notable est qu’avant 1850, se marier au sein d’une même famille était pratique courante : en général, à un cousin du quatrième degré. Aujourd’hui, c’est le cousinage de septième degré qui est le plus courant. La consanguinité a donc reculé avec le temps.
L’équipe s’est aussi intéressée à l’importance des facteurs héréditaires de la longévité. Pour la mesurer, elle a travaillé sur un arbre de 3 millions d’individus nés entre 1600 et 1910. Résultat : ces fameux gènes ne seraient responsables que de 16 % de la longévité individuelle, ce qui est dans le bas de la fourchette habituellement retenue de 15 à 30 %. Plus précisément, ces gènes allongeraient la durée de vie de cinq ans en moyenne. Ce chiffre paraît important, mais il est relativisé par l'auteur principal de l'étude, Yaniv Erlich, chercheur en sciences informatiques à Columbia University et responsable scientifique de MyHeritage, l'entreprise de tests génétiques qui détient Geni.com : « Des études antérieures ont montré que le tabagisme peut raccourcir la vie de dix ans. Cela signifie que le mode de vie pourrait importer bien plus que la génétique ».