Des serpents géants (Titanoboa cerrejonensis, 12 m de long, 2 tonnes), des crocodiles monstrueux (Purussaurus brasiliensis, 10 m de long, 8 tonnes), ainsi que le plus grand des rongeurs (Phoberomys pattersoni, 3 m de long, 700 kg), durant le Miocène supérieur, il y a 11 à 5 millions d’années, l’Amérique du Sud a abrité de redoutables animaux !
C’est dans ces étendues humides qu’évoluait également la plus grande tortue d’eau douce ayant vécu sur Terre : Stupendemys geographicus.
L’espèce est connue depuis 1976, mais les quelques squelettes incomplets retrouvés çà et là entre le Venezuela et la Colombie n’avaient pas permis, jusqu’à présent, de décrire pleinement la biologie de l’animal.
Grâce à de nouveaux fossiles, une équipe de l’université de Rosario, en Colombie, a réussi à en savoir un peu plus.
Les paléontologues ont notamment mis au jour le plus grand spécimen jamais trouvé. Une carapace de 2,4 m de long pour un poids de 1 tonne et 145 kg. C’est presque cent fois plus que son plus proche parent actuel (Peltocephalus dumerilianus), et c’est deux fois plus que la plus grande tortue vivant dans nos océans, la tortue luth.
Les chercheurs ont pu identifier une structure encore jamais décrite : il s’agit de cornes osseuses recouvertes de kératine, très comparables à celle des bovidés. Tous les individus n’en possèdent pas, et il s’agit visiblement d’un dimorphisme sexuel utilisé par les mâles pour se battre entre eux lors de la saison des amours, comme en témoignent certaines marques.
Nul ne sait si ces cornes leur servaient aussi à se défendre des prédateurs. Toujours est-il que plusieurs carapaces portent des traces de morsures : celles de caïmans géants… l’un d’eux y a même laissé une dent !
Pour la première fois, une mâchoire inférieure a pu être retrouvée. Elle suggère que la tortue était carnivore et capable d’ingurgiter de grosses proies comme des poissons ou des petits caïmans. À l’instar de nombreuses tortues d’eaux douces, le reptile devait également se nourrir de fruits tombés dans le fleuve.
Les chercheurs estiment pour finir que les nombreux restes de tortues géantes retrouvés dans le passé en Amérique du Sud appartiennent en fait à une seule et même espèce, et ce malgré leur éloignement. Durant le Miocène, la présence d’une immense zone humide, baptisée « formation de Pebas », a en effet permis au reptile de se répandre sans difficulté sur un très large territoire.
Il y a 5 millions d’années, en revanche, la baisse des températures et l’aridification ont eu raison de l’espèce, ainsi que de la plupart des animaux géants vivant en Amazonie.
Source : The anatomy, paleobiology, and evolutionary relationships of the largest extinct side-necked turtle Science Advances, février 2020