Remboursement de l’homéopathie : pro et anti suspendus à l’avis de la HAS
Publié le - par le blob avec l'AFP
Faut-il dérembourser l’homéopathie ? Ce débat qui agite la France depuis plusieurs mois va connaître cette semaine un début de réponse avec l’avis de la Haute autorité de santé (HAS), avant que le gouvernement tranche définitivement.
Dernier avis mais pas dernière étape
La commission de la transparence de la Haute autorité de santé (HAS) adopte mercredi son avis définitif, et prévoit de l’annoncer publiquement deux jours plus tard. Les anti-homéopathie espèrent que la commission confirmera son avis provisoire. Elle recommandait mi-mai le déremboursement de l’homéopathie car son efficacité n’est pas scientifiquement prouvée. Au final, c’est le gouvernement qui tranchera. La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a affirmé à plusieurs reprises qu’elle suivrait l’avis de la HAS. Mais au-delà des arguments scientifiques, les pro-homéopathie veulent déplacer le débat sur le terrain politique. Labos, homéopathes et usagers ont lancé une campagne médiatique soutenue par des élus, « Mon homéo, mon choix », avec une pétition qui revendique pour l’heure plus d’un million de signatures.
« La décision sera politique. Elle sera peut-être prise par Mme Buzyn mais nous pensons qu’elle peut être prise en plus haut lieu, par le Premier ministre ou le président de la République », veut croire Charles Bentz, président du Syndicat national des médecins homéopathes français (SNMHF).
Pro contre anti : quels arguments ?
Les pro-homéopathie demandent le maintien de son remboursement en assurant qu’elle est bénéfique aux patients, bien qu’on ne puisse pas en expliquer le mécanisme. Controversée au sein du corps médical, l’homéopathie consiste à administrer au patient des substances en quantité infinitésimale, diluées à l’extrême dans de l’eau. Le remboursement est un gage de « crédibilité », selon le Dr Bentz. Ses défenseurs mettent en avant le fait que cette technique est appréciée des Français : 72 % « croient en ses bienfaits », selon un sondage Odoxa publié en janvier. Les anti, eux, soulignent qu’aucune étude n’a prouvé l’efficacité de l’homéopathie. Pour eux, les granules utilisés par les homéopathes ne sont rien de plus que du sucre et leur effet supposé n’est pas supérieur à celui d’un placebo, ce qui ne justifie pas leur remboursement. « L’efficacité de l’homéopathie n’est pas prouvée, son service médical rendu est insuffisant et son principe est aberrant », selon le cardiologue Jérémy Descoux, président du collectif de médecins anti-homéopathie Fakemed.
Combien ça coûte à la Sécu ?
L’an dernier, le remboursement de l’homéopathie a représenté 126,8 millions d’euros sur un total d’environ 20 milliards pour l’ensemble des médicaments remboursés, selon l’Assurance maladie. « C’est une part infime des coûts de la Sécu », fait valoir Anabelle Flory, directrice de Boiron France. Faux argument, objectent les anti-homéopathie. « Il faut rationaliser les remboursements » dans un contexte « où on impose des économies à la Sécu à un niveau catastrophique », selon le Dr Descoux. Les adversaires de l’homéopathie soulignent que les 126,8 millions de son remboursement représentent près du double de l’enveloppe de 70 millions promise par le gouvernement pour tenter de résoudre la crise des urgences.
L’hypothèse des 15 %
Les produits homéopathiques remboursés le sont à hauteur de 30 %. Une possible porte de sortie politique serait de couper la poire en deux en baissant ce taux à 15 %. Cette éventualité a été évoquée par le ministre de l’Economie Bruno Le Maire, mais ne satisfait aucun des deux camps.
Quel impact pour les labos ?
Un déremboursement serait un coup dur pour les trois laboratoires fabricants, le Français Boiron (leader mondial), le Suisse Weleda et l’Allemand Lehning. Boiron réalise 60 % de ses ventes en France sur des produits homéopathiques remboursables, soit 215 millions d’euros.
Sur ce total, les produits dont les patients demandent effectivement le remboursement à l’Assurance maladie rapportent 150 à 160 millions d’euros au labo. En cas de déremboursement, le groupe lyonnais anticipe une baisse de 50 % des ventes sur ses produits remboursables la première année, puis de nouveau 50 % la deuxième. Les labos assurent que cela menacerait 1 000 emplois chez Boiron en France (sur près de 2 500) et 300 chez Weleda et Lehning.