Nobel : les lauréats concernent une minorité de domaines scientifiques
Publié le - par Veronique Marsollier
Dans le monde scientifique, le Nobel est considéré comme l’un des prix les plus prestigieux. De fait, les travaux récompensés ont un fort impact dans leurs domaines. Mais dans quelle mesure ? Pour le savoir, une équipe internationale spécialiste de la métrique a décidé d’étudier l’éligibilité de certains domaines scientifiques par rapport à d’autres et d’approfondir l’influence du prix sur la recherche. Leurs travaux ont été publiés dans la revue PlosOne, le 29 juillet 2020.
Dans leur démarche, les chercheurs ont sélectionné le principal article lié au prix Nobel publié par chaque lauréat scientifique honoré de 1995 à 2017. Puis ils ont placé chacune de ces publications sur une carte des domaines scientifiques créée à partir de 63 millions d’articles publiés durant la même période, les données provenant de Scopus, une base de publications scientifiques.
Les résultats confirment ce qu’ils soupçonnaient. 36 domaines de recherche sur 114 ont reçu un prix Nobel et seuls cinq ont remporté plus de la moitié (52,4 %) des prix Nobel de science décernés au cours des dernières décennies. La physique des particules (14 %), la biologie cellulaire (12,1 %) physique des atomes (10,9 %), les neurosciences (10,1 %) et la chimie moléculaire (5,3 %) se taillent la part du lion alors que ces domaines ne représentent qu’environ 10 % de tous les articles cartographiés.
En outre, tous ces articles « nobellisés » ont été cités moins largement que de nombreux autres articles publiés à peu près à la même période ; seule exception, l’article de 2004 sur la découverte du graphène (prix Nobel de Physique en 2010). Selon l’équipe, de nombreux pans de la recherche scientifique non pris en compte par le comité Nobel possède donc une réelle influence.
Certes, modèrent les auteurs de l’étude, les citations ne peuvent donner à elles seules une photographie complète de l’impact scientifique. Parmi les 114 domaines, le droit ou la philosophie ne peuvent pas compter pour l’obtention d’un prix Nobel de médecine, de physique ou de chimie. « Il serait absurde de s’attendre à ce que tous les domaines scientifiques aient une chance égale de faire des découvertes révolutionnaires et des progrès majeurs », déclare l’auteur principal John Ioannidis de l’Université de Standford (Californie).
Pour l’heure, les raisons pour lesquelles certains domaines sont plus reconnus pour le Nobel restent floues. Mais force est de constater que des domaines scientifiques tels que l’ophtalmologie, la médecine d’urgence ou l’ingénierie environnementale, par exemple, n’en ont jamais obtenu.
Les conséquences d’une telle disparité sont implacables. Obtenir un prix Nobel donnant plus de prestige, et les domaines honorés attirant de fait plus de financement, le cycle ne fait que se perpétuer.
Le prix Nobel est donc à l’origine d’une forme d’« inégalité des honneurs » pour les disciplines délaissées, et tend – entre autre – à fausser le financement de la recherche. Une solution pour contourner ce problème serait de créer de nouveaux prix, ce à quoi devrait réfléchir le comité Nobel, suggère l’auteur principal J. Ioannidis.