Les promesses de la révolution quantique
Publié le , mis à jour le - par le blob, l’extra-média, avec l’AFP
Les technologies quantiques, objet d’un rapport qui doit orienter la stratégie française pour investir dans ce domaine, utilisent des propriétés surprenantes de la matière à l’échelle de l’infiniment petit, promettant une révolution du calcul et du traitement de l’information. Mais des obstacles restent à lever avant d’arriver à les maîtriser pleinement.
Qu’est-ce que la mécanique quantique ?
La physique quantique, différente de la physique classique, est un outil de description de la matière à l’échelle microscopique. Elle est apparue au début du XXe siècle, lorsqu’on a voulu clarifier la nature réelle de la lumière : était-elle onde ou particule ?
Reprenant les théories du physicien Max Planck – qui avait introduit la notion de « quanta » pour désigner des particules d’énergie – Albert Einstein révolutionnait le monde, en expliquant que la lumière était à la fois une onde et une particule.
La mécanique quantique repose sur cette dualité, selon laquelle un objet peut se retrouver dans plusieurs états à la fois. Le physicien Erwin Schrödinger avait imaginé un chat enfermé dans une boîte avec une fiole de poison qui serait mort et vivant en même temps – expérience totalement théorique illustrant la difficulté à saisir cette discipline contre-intuitive, à la réputation ardue.
Si cet « à la fois » peut difficilement se généraliser au niveau macroscopique, au niveau de l’infiniment petit, c’est bien une réalité. « Dès qu’on miniaturise les choses, on est obligés de prendre en compte la mécanique quantique », explique à l’AFP Daniel Hennequin, chercheur au CNRS.
Selon cette mécanique, un objet peut se retrouver dans plusieurs états en même temps, qui peuvent se superposer. C’est le cas des qubits, brique de base de l’informatique quantique : contrairement aux bits classiques, qui n’ont que deux états possibles (0 ou 1), les qubits ont une infinité d’états possibles. En arrivant à les superposer, puis les intriquer entre eux (lier les uns aux autres), il est possible de réaliser plusieurs calculs à la fois.
Quelles sont ses applications ?
GPS, transistors, laser, disques durs… les applications issues de la théorie quantique sont multiples. « Ce sont les composants de base de l’ère numérique », explique une note de la Fondation Mines-Télécom. Les évolutions sont apparues progressivement, découlant de « l’exploitation de cette nouvelle compréhension de l’infiniment petit », souligne Daniel Hennequin : le transistor utilise par exemple les effets quantiques des électrons, le laser ceux des photons.
Aujourd’hui, la révolution la plus attendue est l’ordinateur quantique universel, Graal de l’informatique. Il serait capable de traiter des masses de données gigantesques, et réaliserait des opérations dépassant l’imagination, à l’instar de celle de Google qui dit avoir réussi un calcul en trois minutes là où supercalculateur classique aurait mis… 10 000 ans.
L’ordinateur quantique permettrait ainsi de résoudre des problèmes aujourd’hui trop complexes pour les machines classiques, qui deviendraient obsolètes. Une rupture majeure serait d’arriver à faire tourner l’algorithme de Shor, capable de casser le système de chiffrement qui sécurise nos transactions.
D’autres innovations sont aussi très attendues dans le secteurs des communications, où la cryptographie quantique (déjà utilisée par certaines banques) permet un encodage ultra-sécurisé, voire inviolable.
Enfin, les capteurs quantiques, ultra-sensibles, permettraient des mesures extrêmement précises, comme celle de la gravité dans l’espace.
Quels sont les freins ?
Ces technologies se heurtent à un obstacle physique appelé décohérence, qui fait disparaître les propriétés quantiques au contact du monde extérieur. Pour manipuler des qubits, il faut ainsi choisir des atomes froids, pour éviter qu’ils bougent, et les isoler.
Mais plus il y a de qubits, plus ils perdent leurs capacités, et on n’arrive pas actuellement à en intriquer plus d’une cinquantaine. Or pour faire tourner l’algorithme de Shor par exemple, il en faudrait des milliers. L’ordinateur quantique universel n’est donc pas pour demain.
Mais, comme le souligne le rapport de la députée Paula Forteza, il existe un système hybride associant quantique et ordinateur classique qui, lui, pourrait être prêt d’ici quelques années.
La décohérence freine également les innovations dans la communication spatiale, où, par voie hertzienne, les nombreuses interactions empêchent une continuité quantique, générant des pertes de transmission.