Les mers d’hydrocarbures de Titan et leurs vagues millimétriques
Publié le - par LeBlob.fr, avec l'AFP
Une nouvelle étude des données de la sonde Cassini lève un peu plus le voile sur les mers d’hydrocarbures de Titan, la lune de Saturne, avec des flots « comme des miroirs » dont les vagues se mesurent en millimètres.
Mers de Ligée, Kraken et Punga, lac Jingpo et Otario, estuaire de Moray Sinus ou encore rivière de Vid Flumina : la principale lune de Saturne abrite dans ses régions polaires une pléiade d’étendues liquides, les seules connues à ce jour dans le Système solaire, en dehors de la Terre.
Plus petite que la planète bleue, mais plus grande que la Lune, Titan fascine les astronomes depuis sa découverte par le Hollandais Huygens au 17e siècle. D’autant plus que son atmosphère très dense et constituée essentiellement d’azote, épaisse de plusieurs centaines de kilomètres, masque sa surface aux lunettes d’observation.
La sonde de la Nasa Cassini l’a finalement dévoilée en la survolant à de multiples reprises entre 2004 et 2017, au détour de ses observations de Saturne. « Il y a des rivières, des mers, des dunes et des montagnes, des zones labyrinthiques et des vallées profondes », raconte Léa Bonnefoy, co-signataire de l’étude parue mardi dans Nature Communications, chercheuse à l’Observatoire de Paris-PSL. Des observations confortées par celles de la sonde européenne Huygens, le passager de Cassini, qui avant d’atterrir sur Titan a transmis des images de vallées et de lac asséché. Mais il s’agit bien d’un « paysage très extra-terrestre », ajoute aussitôt l’astrophysicienne, qui a participé aux travaux menés par des chercheurs des universités américaine Cornell et italienne de Bologne.
Spécialiste de la surface de Titan au Laboratoire français de météorologie dynamique, elle parle de sa composition comme d’un « grand mystère », dont on sait juste qu’il comporte au moins des composés organiques, « un peu comme du plastique », et de la glace d’eau.
Comme « on ne voit rien de cette boule orange », un arsenal d’instruments, notamment dans l’infrarouge, les rayons X et les ondes radar micro-ondes, y a confirmé initialement l’existence de mers d’hydrocarbures. Constituées essentiellement de méthane, - qu’on trouve sur Terre comme gaz naturel -, mais additionné ici d’une pointe d’éthane, un autre hydrocarbure. Le tout sous forme liquide, grâce à une température de surface de -181 degrés Celsius et une pression atmosphérique un peu plus élevée que celle sur la planète bleue.
« Titan a tout un cycle du méthane un peu analogue au cycle de l’eau sur Terre, donc avec de l’évaporation, des nuages, de la pluie et des rivières d’hydrocarbures », explique Léa Bonnefoy.
L’étude dans Nature apporte deux enseignements. Sur la composition relative en méthane et éthane de ces « eaux » de surface. Si l’on comparaît l’éthane au sel de l’eau salée sur Terre, sur Titan « il est un peu transporté par les pluies et les rivières et déposé dans la mer », raconte la chercheuse. Avec, finalement, des mers contenant une plus forte proportion d’éthane que les rivières.
Deuxième mesure, celle de la « rugosité » des mers, « très lisses, avec très peu de vagues, de l’ordre du millimètre ». Alors que celles des estuaires et sorties de rivière sont un peu plus hautes, de quelques millimètres... Ce qui laisse « imaginer qu’il y a des courants à ces endroits, et aussi des effets de marée ».
L’étude repose sur les données de quatre survols de Titan, au cours desquels la sonde a émis un signal radar, dont l’onde réfléchie par la surface de ses espaces liquides est arrivée jusqu’aux antennes d’une station de communication spatiale en Australie.
Mais pourquoi avoir attendu aussi longtemps pour étudier ces informations ? L’explication, très prosaïque, est que la sonde a fourni une telle quantité de données qu’elles n’ont « pas été encore toutes exploitées ». Et qu’elles sont de surcroît « assez complexes à traiter », ajoute la jeune astrophysicienne. Ce qui la conforte dans la conviction que de nouvelles missions spatiales « ne sont peut-être pas la priorité dans une société confrontée à l’urgence climatique ». Elle pointe du doigt la quantité de données « inexploitées, dans les fonds de tiroirs depuis des dizaines d’années ». Au point de croire possible de « belles découvertes scientifiques à attendre des missions spatiales du passé ».