Le microbiome de la peau, révélateur de l’âge pour l’IA
Publié le - par Véronique Marsollier
Plus question de mentir sur son âge, car même les bactéries de notre microbiome peuvent le dévoiler ! C’est ce que montre une étude parue le 11 février 2020 dans la revue mSystems. Des chercheurs de l’université de Californie (San Diego) et d’IBM ont mis au point un outil basé sur l’intelligence artificielle capable de déduire l’âge d’une personne à partir d’un échantillon de flore bactérienne prélevée sur le corps.
Indispensable à la vie, le microbiome – communauté complexe de microbes qui vivent dans, sur et autour de nous – est influencé par notre alimentation, nos habitudes de vie, notre environnement et nos gènes. C’est pourquoi la flore bactérienne – ou microbiote – que l’on retrouve dans nos intestins, mais aussi dans notre bouche ou sur notre peau, peut en dire beaucoup sur l’état de notre corps.
Un dérèglement du microbiote pourrait même être à l’origine de graves pathologies telles que les maladies inflammatoires de l’intestin, des maladies auto-immunes, l’obésité, et peut-être en partie de troubles neurologiques tels que l’autisme.
Mais il possède une autre caractéristique : au fur et à mesure que nous vieillissons, le microbiote se modifie. Il change rapidement au cours des trois premières années de vie, puis relativement peu chez les adultes.
L’âge est donc un marqueur particulièrement intéressant pour obtenir des informations sur une personne vivante à partir de son microbiome. D’autant plus, souligne un des auteurs de l’étude, Yoshiki Vázquez-Baeza, directeur associé de l’intégration bio-informatique au centre de San Diego pour l’innovation sur le microbiome, que c’est un paramètre bien adapté à la création de modèles prédictifs : il ne nécessite de la part des donneurs recrutés aucune visite à l’hôpital ni caractéristique particulière telle qu’une maladie inflammatoire des intestins, par exemple.
Pour mener à bien leur expérience, les chercheurs ont donc choisi de retenir le critère de l’âge dans une démarche statistique, fondée sur un vaste échantillon de population auquel ils ont associé un modèle informatique dit d’auto-apprentissage.
Des données de séquençage de microbiotes, disponibles dans les bases de données publiques de dix projets de science citoyenne comme l’American Gut project ou le Guangdong Gut Microbiome Project, ont donc été extraites afin de créer un modèle.
Les chercheurs ont testé la capacité des microbiomes oral, intestinal et cutané (main et front) de près de 9000 échantillons provenant des États-Unis, de Chine, du Canada, du Royaume-Uni et de Tanzanie. L’âge des participants – tous en bonne santé – variait de 18 à 90 ans.
Curieusement, expliquent les chercheurs, c’est le microbiote de la peau, qu’il provienne du front ou des mains, qui fournit la meilleure prédiction de l’âge et ce, quel que soit le sexe du patient. Il permet de l’estimer avec un écart de 3,8 ans, contre 4,5 ans pour un échantillon oral et 11,5 ans pour un échantillon fécal. Ce sont des résultats similaires à ce que l’on retrouve en médecine légale pour déduire l’intervalle post-mortem : là aussi, les échantillons de peau prélevés chez la souris et chez l’Homme ont fourni les résultats les plus précis.
Autre constatation : les flores bactériennes des 18-30 ans ont tendance à être plus diversifiées et abondantes que celles des sexagénaires. L’explication la plus plausible tient au vieillissement de la peau : produisant de moins en moins de sébum, devenant plus sèche, la peau perd une partie de ses souches bactériennes.
Corréler les microbiotes et l’âge permet d’envisager des études sur leur rôle dans le processus du vieillissement et des maladies associées. Pour l’équipe, cette méthode pourrait aussi fournir la base d’un test non-invasif permettant de mieux évaluer les risques d’un large éventail de maladies auto-immunes, vasculaires ou neurologiques.