Inde : l'industrie du jute veut croire en son nouvel essor
Publié le - par LeBlob avec l'AFP
La fibre naturelle de jute, dont l'Inde est le premier producteur mondial, connaît un retour en grâce planétaire qui devrait s'accentuer avec la demande exponentielle pour des alternatives durables aux matières plastiques.
Remarquée dans les lignes de vêtements de grands stylistes indiens comme Ashish Soni et Pawan Aswani, la fibre de jute a aussi fait son apparition dans les boutiques des marques de luxe telles que Christian Dior, et même au mariage de Meghan Markle et du prince Harry, où des sacs en jute estampillés des initiales H&M ont été offerts aux invités. Le jute est de plus en plus tendance.
La quasi-totalité des cultures de jute mondiales se trouvent au Bengale occidental (est de l'Inde) et au Bangladesh, favorisées par un climat humide. Elles requièrent un minimum d'eau et d'engrais, et donnent de meilleurs rendements avec des récoltes tous les quatre mois seulement.
Tout est bon dans la plante de jute, rien à jeter : la couche externe de la tige produit la fibre, la tige interne ligneuse sert à la fabrication du papier, tandis que ses feuilles sont comestibles.
Le jute est d'autant plus vanté par les écologistes que ses cultures recyclent le carbone. « Un hectare de cultures de jute peut absorber jusqu'à 15 tonnes de dioxyde de carbone environ et rejeter 11 tonnes d'oxygène au cours d'une saison, réduisant ainsi les émissions des gaz à effets de serre », a affirmé Swati Singh Sambyal, experte en durabilité et en économie circulaire basée à New Delhi.
Le coton, la plus abondante fibre naturelle au monde, devant le jute, nécessite deux fois plus de terres cultivables et beaucoup plus d'eau et de produits chimiques.
C'est à la compagnie britannique des Indes orientales que l'on doit la découverte et l'exploitation en Inde au XVIIIe siècle de la fibre de jute puis son introduction en Europe où elle ne connut de succès véritable qu'à partir des années 1860, avec ses sacs destinés au transport des graines alimentaires.
L'industrie indienne du jute était restée vaillante jusqu'à l'avènement, dans les années 1990, des substituts synthétiques moins coûteux et de la concurrence acharnée du Bangladesh voisin à la main-d’œuvre bon marché.
L'Inde tente aujourd'hui de promouvoir le jute comme un textile d'avenir, respectueux de l'environnement, dans l'espoir de tirer parti de la désaffection pour le plastique.
Selon un récent rapport de Research and Markets, le marché mondial des sacs en jute pesait 1,7 milliard de dollars en 2020 et devrait valoir 2,5 milliards d'euros d'ici 2024, les consommateurs se détournant du plastique à usage unique.
Le gouvernement indien exige désormais que toutes les céréales alimentaires et 20% du sucre soient emballés dans des sacs en toile de jute.
Mais pour répondre à la demande mondiale de produits diversifiés à base de jute, l'industrie aujourd'hui désuète doit transformer à grande échelle toute la chaîne de production.
Il s'agit de moderniser les pratiques agricoles, d'améliorer les compétences de la main-d’œuvre et de lancer des nouveaux produits, estime Gouranga Kar, directeur du Central Research Institute for Jute and Allied Fibres. « Le jute a un potentiel énorme sur le marché international. (…) L'industrie ne sera pas viable si nous n'introduisons pas des produits à valeur ajoutée » confirme Supriya Das, président de Meghna Jute Mills, l'une des 70 usines du Bengale occidental dans laquelle travaille des centaines d'ouvriers sur de vieilles machines abritées par un immense hangar délabré.