Identifier Alzheimer par une prise de sang : une révolution possible, pour quoi faire ?
Publié le - par LeBlob.fr, avec l’AFP
Diagnostiquer la maladie d’Alzheimer à l’aide d’une simple prise de sang : cette révolution, rêvée par la recherche depuis des années, est en passe de devenir réalité. Mais pour les patients, l’intérêt ne sera tangible qu’à condition d’enfin disposer de traitements efficaces. « Les biomarqueurs sanguins vont changer la façon dont nous faisons le diagnostic », résume à l’AFP le neurologue Giovanni Frisoni, l’un des principaux spécialistes européens de la maladie d’Alzheimer.
C’est, depuis des années, l’un des principaux axes de la recherche sur cette maladie, la forme la plus courante de démence, qui frappe de façon irréversible des dizaines de millions de personnes dans le monde. L’idée est de pouvoir, par une simple prise de sang, repérer des signes révélateurs des mécanismes physiologiques par lesquels s’installe la maladie.
On connaît deux grands mécanismes, sans bien comprendre leur interaction : la formation dans le cerveau de plaques de protéines dites amyloïdes, qui compriment les neurones et les détruisent à terme. Et l’accumulation d’autres protéines, dites Tau, au sein des neurones eux-mêmes.
Des examens existent déjà : via une ponction lombaire ou via une technique d’imagerie médicale, la tomographie par émission de positons (PET). Mais comme ils sont longs, lourds et coûteux, beaucoup de patients restent bloqués à des constats cliniques, telle une forte perte de mémoire.
Certains tests sanguins sont déjà commercialisés mais, de fait, peu utilisés dans l’attente de données sur leur intérêt réel. Or, ces derniers mois, plusieurs études ont démontré l’efficacité de certains tests sanguins pour repérer les signes internes de la maladie. La plus notable remonte à janvier, dans la revue Jama Neurology. Réalisée en suivant quelque 800 personnes, elle conclut qu’un test sanguin permet de repérer une quantité anormale d’amyloïde ou de Tau avec une efficacité comparable aux examens actuellement en vigueur. Élément crucial, ce test s’avère utile à un stade « préclinique », avant même l’apparition de symptômes caractéristiques de la maladie.
Le monde médical a globalement salué une avancée importante, malgré des limites. Il faudra confirmer cette efficacité dans la pratique réelle et, surtout, un tel test ne fait que pointer la présence de mécanismes physiologiques qui ne se traduisent pas systématiquement par une démence.
Cela reste « une excellente étude qui nous place à deux doigts de pouvoir utiliser au quotidien un test sanguin de la maladie d’Alzheimer », a jugé le neurologue Bart de Strooper dans une réaction au Science Media Center (SMC) britannique. Au Royaume-Uni, c’est déjà presque une réalité. Un programme, à l’initiative de plusieurs organisations anti-Alzheimer, vise depuis l’an dernier à tester l’intérêt de ces tests sanguins au sein du système de soins britannique.
Mais pour quoi faire ? Sans traitement efficace, un diagnostic précoce n’a guère d’intérêt. Or beaucoup de neurologues se mettent actuellement à espérer que des médicaments puissent agir.
Après des décennies de recherches infructueuses, deux traitements – l’un par le laboratoire Eli Lilly, l’autre par Biogen – semblent pouvoir ralentir l’évolution d’Alzheimer en s’attaquant aux plaques amyloïdes. Leur efficacité est modeste et les effets secondaires sont lourds, mais pour nombre de neurologues, c’est un premier pas vers d’autres traitements plus performants. Dans ce contexte, il apparaît prometteur de pouvoir, à partir d’un simple test sanguin, repérer au plus vite une maladie d’Alzheimer afin de démultiplier l’effet d’un traitement.
Reste une nuance de taille. On parle ici d’un diagnostic précoce, chez des patients à la mémoire déjà défaillante, et certainement pas d’un dépistage qui s’adresserait à n’importe qui. « Aujourd’hui, ça ne servirait à rien de tester les biomarqueurs sanguins chez les personnes qui n’ont pas de déficit cognitif : ça ne ferait que du mal », souligne M. Frisoni.
Que faire, en effet, de l’annonce que l’on présente un risque plus élevé de développer la maladie, sans piste concrète pour pouvoir éviter son apparition ? M. Frisoni n’exclut toutefois pas un jour de voir le dépistage d’Alzheimer devenir réalité. « On est en train de tester certains médicaments qui visent à réduire le risque d’une démence d’Alzheimer, explique-t-il. Peut-être que dans cinq ou dix ans, ce sera dans la pratique clinique. À ce moment-là, je pourrai recommander de mesurer les biomarqueurs sanguins (comme outil de dépistage). Mais aujourd’hui, non ».