Grève massive des pharmacies en France, des milliers de manifestants dans la rue
Publié le - par Le blob.fr, avec l'AFP
Plus de 18 000 pharmacies sur les 20.000 présentes en France ont baissé le rideau jeudi. Une grève massive d’une profession en colère contre les pénuries persistantes de médicaments, les fermetures d’officines, une rémunération insuffisante et un risque de dérégulation de la vente en ligne. Au total, 30 000 personnes sont descendues dans la rue sur l’ensemble du territoire, selon l’Union de syndicats de pharmaciens d’officine (Uspo) et la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). C’est six fois plus que lors de la dernière grande mobilisation de 2014 pour cette profession qui a exprimé largement sa lassitude face aux pénuries qui lui fait perdre « beaucoup de temps » et fait baisser les rémunérations.
« Médicaments en pénurie, patients à l’agonie », « Pour continuer à soigner votre crève, on fait grève », pouvait-on lire sur des pancartes du cortège parisien parti de la faculté de pharmacie pour rejoindre le ministère de l’Économie. « Nous ne sommes pas là pour nos tiroirs de caisse, mais pour nos patients », clame Berthe Gokoyo, pharmacienne à Arnouville (Val-d’Oise) qui défile dans la capitale. Puis elle s’agace : « la France produit des médicaments. Que les laboratoires servent d’abord la France ! » La mobilisation a aussi été très forte partout ailleurs. « Il y a un mois, une pharmacie a encore fermé à Limoges. On atteint un point de non-retour, la situation de la profession est tout simplement dramatique », assure Marion Lemaire, coprésidente du syndicat des pharmaciens de la Haute-Vienne, qui a défilé avec quelque 400 personnes, à Limoges.
« Marchands de tapis »
Isabelle Pailler exerce à Bellac (Haute-Vienne) depuis 30 ans. Elle raconte perdre « une énergie folle chaque jour à tenter de trouver des médicaments » qui font défaut. « On doit interrompre le traitement de diabétiques parce qu’il nous manque un injectable, le Trulicity. On passe 1 h 30 à 2 h par jour, avec mon équipe, à appeler les médecins, le CHU, les laboratoires ! »
Dans les Bouches-du-Rhône, 650 pharmacies sont restées portes closes, dont 330 rien qu’à Marseille, soit 95 % des établissements selon le président de l’ordre des pharmaciens du département, Stéphane Pichon. Parmi le millier de pharmaciens rassemblés sur la place devant la préfecture des Bouches-du-Rhône dans la cité phocéenne, Laurence Reignier, est usée de se battre « tous les jours pour obtenir des médicaments pour les patients », avec « l’impression d’être des marchands de tapis. » Le mouvement a rassemblé tous les représentants de la profession : syndicats, groupements de pharmaciens, étudiants.
Des pharmacies ont été réquisitionnées par décision préfectorale pour assurer la permanence pharmaceutique obligatoire. La plupart des officines ont prévenu leur clientèle par courriels, écrans ou affiches collées sur les vitrines. Les syndicats réclament une revalorisation de la rémunération dès 2025, faisant valoir l’inflation qui pèse sur les charges.
Les dernières propositions de l’Assurance maladie, dans le cadre des négociations conventionnelles entamées fin 2023, sont jugées « insuffisantes ». Les représentants des pharmaciens seront convoqués le 5 juin pour une « réunion conclusive » avec l’Assurance maladie, selon M. Besset. Le Premier ministre Gabriel Attal a évoqué jeudi soir ces négociations, interrogé sur France 5. « Il y a des propositions qui ont été faites, notamment une revalorisation des honoraires, je crois, de l’ordre de 10 %, une majoration des rémunérations pour le travail de nuit, d’autres mesures », a-t-il souligné. « Il faut que les discussions se poursuivent et qu’elles puissent aboutir. »
Outre l’aspect financier, la profession s’inquiète aussi, comme en 2014, d’une possible volonté de simplifier la vente en ligne de médicaments sans ordonnance. « Tous les éléments sont là pour tuer le réseau » d’officines — qui emploient 130 000 personnes au total —, alerte Pierre-Olivier Variot, président de l’Uspo. « Il faut raison garder », a déclaré de son côté le député Renaissance Marc Ferracci.
Il y a bien « une réflexion pour savoir s’il est pertinent ou non d’assouplir » les règles de vente en ligne des médicaments sans ordonnance, confirme-t-il, mais sans « remettre en question le principe du monopole » des officines.
Plusieurs syndicats de pharmaciens refusent catégoriquement « les stocks déportés » à un endroit autre que l’officine. Ils craignent de voir le géant de la vente en ligne américain Amazon débarquer un jour sur ce terrain. « Il ne s’agit pas d’ouvrir quoi que ce soit à la grande distribution ni de mettre des médicaments sur Amazon. Cela n’a aucun sens », assure M. Ferracci, qui veut mettre fin aux « spéculations » qui ont animé la presse spécialisée ces dernières semaines.