Greffé du rein depuis un demi-siècle, un record !
Publié le - par le blob, avec l'AFP
Quand Jean-Pierre Saliège a été greffé du rein, le général de Gaulle était président, les Beatles chantaient « Hey Jude » et l’Homme n’avait pas encore marché sur la Lune. 50 ans plus tard, il voit dans cette longévité record un message « d’espoir ».
« Pour moi ça n’est pas un record, c’est la vie qui continue », assure cet homme de 70 ans dans un entretien téléphonique avec l’AFP. Le 2 décembre 1968, alors que ses deux reins ont été détruits au fil des ans à cause d’une malformation, M. Saliège est opéré pour en recevoir un autre, donné par sa mère. Elle-même est toujours en vie aujourd’hui et fêtera bientôt ses 97 ans. « C’était une renaissance. Ma mère m’a donné la vie deux fois », sourit ce Manceau à la faconde digne d’un personnage d’Audiard : « C’était soit ça, soit le +boulevard des allongés+ » (la mort, NDLR).
L’hôpital Foch à Suresnes, où avait eu lieu l’opération, célèbre officiellement ce cinquantenaire vendredi. « C’est sûrement l’un des records mondiaux de longévité », explique à l’AFP le docteur Renaud Snanoudj, néphrologue à Foch. « On a trouvé un cas similaire à Los Angeles, et il est possible qu’il y en ait ailleurs. Mais c’est tout à fait exceptionnel », poursuit-il.
Selon l’Agence de la biomédecine, la durée médiane de survie d’un greffon rénal est de 13,9 ans : cela veut dire que la moitié des greffés du rein depuis 13,9 ans ont toujours leur greffon fonctionnel (dans le cas contraire, il doit être remplacé). En outre, 68,5 % des patients greffés du rein sont encore vivants après 15 ans de greffe.
L’an passé, il y a eu 3 546 greffes de rein en France (sur 5 781 tous organes confondus), dont 537 à partir d’un donneur vivant. « Mais en 1968, il n’y en avait que quelques-unes chaque année, souligne le Dr Snanoudj. On en était aux balbutiements de la transplantation rénale, puisque les premières dataient de la fin des années 50 et du début des années 60. »
» Mioches, maison, bagnole »
Après une surveillance poussée dans les mois suivant l’opération, M. Saliège sent « que la vie reprend » en juillet 1969 : « C’est la première fois que je vais en boîte de nuit, et je me dis “Tiens mon gars, ça commence à regazer !” ». « Puis je me suis acheté une moto, et j’ai mené une vie rigoureusement normale pendant 50 ans, en occupant 31 emplois différents, dont comptable, assureur à domicile ou commercial, poursuit-il. Je suis suivi régulièrement, mais je n’ai pas une vie monacale : j’aime boire du vin, j’ai été fiancé sept fois et j’ai divorcé il y a 19 ans », lance-t-il. « Par contre, je n’ai pas eu d’enfant, car je n’en voulais pas ».
Depuis sa greffe, M. Saliège doit prendre quotidiennement un traitement immunosuppresseur, indispensable pour éviter un rejet. Seuls les patients dont le donneur est leur jumeau peuvent s’en passer. La longévité de son greffon est d’autant plus remarquable qu’en 1968, ces traitements étaient moins efficaces qu’aujourd’hui et les rejets plus fréquents. À l’époque, M. Saliège avait été pris en charge par deux pionniers, aujourd’hui décédés : le chirurgien René Küss et le néphrologue Marcel Legrain.
En France, on estime que l’insuffisance rénale touche plus de 80 000 personnes. Les seuls moyens d’y faire face sont la dialyse et la greffe. Selon l’hôpital Foch, « dans près de 50 % des cas, les maladies rénales conduisant à l’insuffisance résultent d’un diabète ou d’une hypertension artérielle ». De plus, « entre 5 et 10 % de la population française souffriraient d’une malade rénale pouvant conduire à une insuffisance ».
« L’histoire de M. Saliège fait passer plusieurs messages : elle montre les bénéfices d’une transplantation rénale et prouve que les personnes qui donnent un rein vivent très bien ensuite », note le Dr Snanoudj.