Découverte de l’origine très, très lointaine d’un sursaut radio rapide
Publié le - par le blob avec l’AFP
Les astronomes célébraient jeudi une découverte, publiée dans la prestigieuse revue Science, qui pourrait les aider à cartographier les confins de l’univers. Une équipe d’astronomes internationaux menée par des scientifiques australiens a trouvé pour la première fois l’origine précise d’un phénomène mystérieux appelé « sursaut radio rapide » découvert en 2007. Ces ondes cosmiques peuvent émettre en un millième de seconde l’équivalent de 10 000 ans d’énergie solaire. « Toute la communauté des astronomes attendait ce résultat avec impatience », dit à l’AFP Casey Law, astronome à l’université de Californie à Berkeley, qui n’a pas participé à l’étude publiée le 27 juin.
Ces travaux sont les plus importants depuis la découverte de ces sursauts radio rapides (FRB, en anglais). On ignore ce qui produit ces souffles monstrueux d’énergie mais les astronomes s’accordent sur un point : ils viennent de galaxies très, très lointaines. La chasse à ces sursauts a permis d’en détecter 85 depuis leur identification. La plupart étaient uniques : un flash et puis plus rien. Mais quelques-uns se répétaient. En 2017, pour la première fois, des astronomes ont été capables de localiser avec précision la source d’un sursaut répété, baptisé avec poésie FRB 121102.
Carte du cosmos
Mais localiser un sursaut unique représentait une autre paire de manches. L’équipe, dirigée par l’Australien Keith Bannister, de la Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation (CSIRO), a mis au point une nouvelle méthodologie pour relever le défi. « Vous pouvez comparer cela à un ralenti à la télévision : nous avons programmé un ordinateur pour qu’il cherche activement les sursauts. Il recevait un milliard de mesures par seconde et tentait de trouver lesquelles contenaient un FRB », dit M. Bannister à l’AFP. Résultat : le sursaut FRB 180924 a été découvert par le radiotélescope ASKAP dans l’Ouest australien. Il est né à 3,6 milliards d’années-lumière de la Terre.
Le sursaut a atteint chacune des trente-six paraboles de ce télescope à un moment imperceptiblement différent, ce qui a permis aux scientifiques de faire une sorte de triangulation pour en calculer l’origine. « Cela revient à regarder la Terre depuis la Lune et à trouver non seulement dans quelle maison une personne habite mais aussi sur quelle chaise elle est assise dans la salle à manger », explique Keith Bannister. Grâce à d’autres télescopes au Chili et à Hawaï, les scientifiques ont ensuite pu obtenir une image de la galaxie d’origine et sa distance de la Terre. Alors que le sursaut radio rapide localisé en 2017 venait d’une galaxie naine, le nouveau décrit jeudi vient des alentours d’une galaxie massive composée d’étoiles anciennes. Ce qui amène les chercheurs à conclure... qu’ils ne savent toujours pas comment se forment ces sursauts.
« Cela impliquerait que les sursauts radio rapides répétés et non-répétés ont des origines complètement différentes », dit Shriharsh Tendulkar, astronome à l’université McGill, non membre de l’équipe de recherche. La découverte passionne les astronomes, car elle fournit de nouvelles informations sur ce qui se trouve dans les espaces entre les galaxies... Et pourrait les aider à résoudre l’énigme de la « matière manquante » de l’univers.
Les scientifiques ont une théorie pour expliquer pourquoi le nombre d’atomes observé dans les étoiles est inférieur de moitié aux calculs théoriques. Les atomes manquants se trouveraient dans des gaz ionisés dans les espaces intergalactiques. Les ondes cosmiques se dispersent pendant leur voyage jusqu’à la Terre : un peu comme la lumière est réfractée en passant dans un prisme. Il se trouve que les observations de l’équipe correspondent à ce que la théorie prédisait sur la quantité de matière se trouvant sur son trajet. Mais cela devra encore être renforcé par des milliers, voire des dizaines de milliers d’observations supplémentaires, afin de former une carte des confins de l’univers. « Comme un IRM du cosmos », dit un coauteur de l’étude, Ryan Shannon, de l’université Swinburne en Australie. Quant à la matière manquante, il est optimiste : « Il nous suffira de localiser quelques sursauts de plus pour résoudre le problème ».