De la glace sous terre pour climatiser les tours de La Défense
Publié le - par Le blob.fr, avec l'AFP
Immergés dans des bassins géants installés sous terre, des cristaux se forment lentement autour de tubes réfrigérants. En cette période de canicule, ce centre de stockage de glace participe à la climatisation du quartier d’affaires de La Défense.
Dans un monde qui se réchauffe, les « réseaux de froid urbain » à l’échelle de quartiers ou de villes entières, encore très marginaux dans le monde, visent à offrir une alternative plus environnementale à la multiplication des climatiseurs individuels problématiques pour le climat.
« Les réseaux de chaleur et de froid sont extrêmement performants. Une centralisation de la production d’énergie, c’est une meilleure performance de distribution, une meilleure compétitivité et une meilleure performance pour l’environnement », assure Frédéric Joseph, directeur d’Idex La Défense qui rafraîchit plus 3 millions de m2 du plus grand quartier d’affaires d’Europe, aux portes de la capitale française.
Sur le site de Courbevoie, deux systèmes se complètent. D’abord plusieurs groupes frigorifiques géants reliés au réseau d’eau glacée : un circuit fermé où l’eau (au départ pompée dans la Seine) est refroidie à 4 °C grâce au fluide frigorigène des réfrigérateurs géants, envoyée vers les clients et revient ensuite à 10-11 °C avant d’être à nouveau refroidie. En parallèle, le bâtiment abrite dans ses sous-sols des piscines de 12 mètres de profondeur, sillonnées de tubes où circule une eau glycolée (pour qu’elle ne gèle pas) à -7 °C, qui fait progressivement geler l’eau des bassins.
« Ce stockage de glace est le plus grand d’Europe », souligne Olivier Fleck, directeur des opérations. Mais la glace, « moins performante », est surtout utilisée en appoint, en cas de prévision de pic de consommation, comme cette semaine avec la vague de chaleur. « On préfère s’affranchir de tout risque pour nos clients, on a choisi de stocker la moitié des bassins », note-t-il.
« Sobriété »
Alors que les canicules se multiplient et s’intensifient en raison du réchauffement de la planète, les experts pointent du doigt le « cercle vicieux » lié à la multiplication des climatiseurs individuels, énergivores, émetteurs de gaz réfrigérants à effet de serre plus puissants que le CO2 et qui rejettent un air chaud amplifiant les bulles de chaleur urbaines.
Selon l’Agence internationale de l’Energie, environ 2 millions de climatiseurs, en majorité des modèles peu efficients, étaient installés dans le monde en 2020, en faisant l’un des moteurs de la consommation d’électricité. Et l’augmentation de la demande risque de se poursuivre.
Dans ce contexte, « mettre en place des réseaux de froid urbain dans des environnements denses fournit le même service de refroidissement » que des unités de climatisation individuelle « mais avec jusqu’à 50 % d’énergie et d’émissions en moins », estime l’ONU-Environnement dans un récent rapport.
Soulignant l’avantage d’éviter en outre de renforcer le phénomène d’« ilot de chaleur urbain » qui transforme les villes bétonnées en radiateurs, le rapport note toutefois les limites à un déploiement généralisé de tels systèmes, soulignant notamment la difficulté de les intégrer dans des zones déjà construites.
« Le réseau de froid doit être pensé dans le développement urbain, quand le quartier se crée », estime aussi Frédéric Joseph. Selon Via Sèva, association française de promotion des réseaux de chaleur et de froid, il existe 32 réseaux de froid en France, avec environ 1 400 bâtiments raccordés.
Celui de Paris, le plus important d’Europe avec des dizaines de kilomètres de canalisations installées sous la capitale, fournit en froid des clients comme le Louvre, l’Assemblée nationale ou des grands magasins comme les Galeries Lafayette.
Autre limite de ces systèmes centralisés, pour fabriquer le froid, il faut forcément de l’électricité, produite de façon plus ou moins décarbonée selon les pays. Alors pour réduire les émissions, « il faut aller vers de la sobriété. Le meilleur kilowattheure est celui qu’on ne consomme pas », plaide Frédéric Joseph.