Cancer du sein : faut-il personnaliser le dépistage ?
Publié le - par Le Blob.fr, avec l’AFP
Faut-il revoir le dépistage organisé du cancer du sein ? À l’heure actuelle, une mammographie biannuelle est proposée aux femmes entre 50 et 74 ans. Mais le risque n’est pas le même pour toutes, d’où des réflexions sur une stratégie plus personnalisée.
Comme chaque année, le mois d’octobre – surnommé « octobre rose » – sera dédié à la prévention contre le cancer du sein. Quand il est diagnostiqué suffisamment tôt, ce cancer a dans la majorité des cas un bon pronostic, avec une amélioration notable des taux de survie. Néanmoins, son incidence augmente depuis plusieurs années (plus de 60 000 cas estimés en France en 2023).
Si des causes « évitables » sont mises en avant comme la sédentarité, l’obésité, le tabagisme ou encore la consommation d’alcool, le dépistage permet de détecter tôt une éventuelle anomalie ou un cancer avant l’apparition de symptômes. Une détection précoce qui augmente largement les chances de guérison.
Depuis la fin des années 1980, des programmes de dépistage organisé par mammographie ont été introduits dans un nombre croissant de pays européens. En France, il est proposé gratuitement tous les deux ans à toutes les femmes âgées de 50 à 74 ans.
Dans les faits, moins d’une femme sur deux de cette tranche d’âge (47,7 %) y a participé en 2021-2022, selon Santé Publique France. « Il faut ajouter toutes celles qui se font dépister de façon individuelle ; au total on doit approcher 60 % de couverture, ce n’est pas ridicule », note Brigitte Séradour, radiologue, ancienne présidente de la Société française de sénologie.
Mais alors que le nombre de cancers du sein a tendance à augmenter chez les plus jeunes, d’aucuns s’interrogent sur la nécessité d’abaisser l’âge de ce dépistage.
L’an dernier, la Commission européenne a ainsi recommandé d’élargir le public concerné de l’UE en abaissant à 45 ans l’âge à partir duquel les femmes sont éligibles à un dépistage organisé. En mai, aux Etats-Unis, un organisme émettant des recommandations très suivies de santé publique a de son côté déclaré que les femmes devaient commencer les mammographies dès l’âge de 40 ans, et non plus 50 comme précédemment. « 40 ans, c’est sans doute trop tôt pour un grand nombre de femmes ; le risque c’est l’irradiation excessive », estime Brigitte Séradour.
« Aujourd’hui abaisser l’âge du dépistage peut sembler une bonne idée puisqu’il y a davantage de cancers de femmes jeunes, mais plus vous descendez l’âge plus vous exposez aux rayonnements », abonde Emmanuel Ricard, porte-parole de la Ligue contre le cancer.
Lorsque l’on fait une radiologie ou un scanner, on est exposé à des rayons X, et leur accumulation peut engendrer, à terme, un risque de cancer. Autre risque mis en avant : celui de « surdiagnostic » d’une tumeur, détectée à la mammographie, qui n’évoluera en fait jamais en cancer du sein.
« Si on décide de dépister à 40 ans, on ne résout pas le problème de toutes celles qui ne le font pas à 50 ans et on ne résout pas non plus celui des femmes qui découvrent qu’elles ont un cancer du sein triple négatif avant 40 ans », relève aussi Claude Coutier, présidente du collectif Triplettes roses. Ce cancer, particulièrement agressif, touche 9000 femmes chaque année, dont 40 % ont moins de 40 ans. Plutôt que retenir un critère d’âge, l’idée de proposer un dépistage basé sur le risque individuel pourrait faire son chemin
Plutôt que retenir un critère d’âge, l’idée de proposer un dépistage basé sur le risque individuel pourrait faire son chemin.
Une étude clinique internationale baptisée MyPeBS (My Personal Breast Screening), financée par l’Union européenne, a déjà recruté plus de 53 000 femmes âgées de 40 à 70 ans dans six pays, avec l’objectif d’évaluer l’efficacité et la faisabilité d’un tel dépistage personnalisé. L’étude doit notamment montrer s’il s’avère « plus efficace de proposer des mammographies plus fréquentes à des femmes à risque élevé de faire un cancer grave en fonction de leurs antécédents, densité mammaire ou profil génétique », décrypte Suzette Delaloge, directrice du programme de prévention personnalisée des cancers de l’institut Gustave-Roussy et coordinatrice de l’étude. À l’inverse, « certaines femmes ayant un profil de risque moindre pourraient nécessiter un suivi moins poussé » que ce qui est actuellement recommandé.