L’avion dans un voyage au long cours pour réduire son bilan carbone
Publié le - par le blob avec l’AFP
Propulsion électrique ou hybride, à l’hydrogène ou aux biocarburants, matériaux allégés, formes futuristes : l’industrie aéronautique, appelée avec insistance à réduire son bilan carbone, carbure pour mettre dans le ciel un avion propre, mais le chemin vers un moyen-courrier « zéro émission » sera long.
« L’aérien va être pris dans une course, il va devoir être plus écoresponsable », estime Jérôme Rein, expert en aéronautique du cabinet Boston Consulting Group (BCG) à Paris.
Au printemps, l’aviation a été mise sous le feu des projecteurs avec des appels au boycott de l’avion, au profit d’autres modes de transport, largement relayés sur les réseaux sociaux. En Suède notamment, le mouvement « flight shaming » (la honte de prendre l’avion) incite les voyageurs à privilégier tout autre moyen de transport.
Pour réduire les émissions de dioxyde de carbone (CO2) de leurs avions, qui représentent selon l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) environ 2 % des émissions mondiales et dépassent en termes d’émissions par passager au kilomètre le transport routier, par bus et ferroviaire, Boeing et Airbus proposent déjà des versions remotorisées de leurs avions.
Les émissions de leurs moyen-courriers ont été réduites de 15 à 20 % en moyenne par rapport aux modèles précédents. Selon l’organisation des compagnies aériennes Iata, « aujourd’hui, un vol produit moitié moins de CO2 que le même vol en 1990 ».
Mais à terme, « rendre l’avion propre c’est essayer de développer des avions à zéro émission », explique Philippe Beaumier, directeur aéronautique civile de l’Onera, le centre français de recherche aérospatiale.
Avant d’atteindre cet objectif ambitieux, les compagnies aériennes et les constructeurs se sont fixé en 2009 pour cap de réduire de moitié en 2050 leurs émissions par rapport au niveau de 2005.
Cycles de développement longs
« Les cycles de développement dans l’avion sont de 20 à 30 ans, on n’est qu’au début de l’ère de l’aviation électrique », ajoute M. Beaumier. Si l’électrification semble la solution idéale pour atteindre le zéro émission, le poids des batteries nécessaires serait supérieur à celui de l’avion et y met donc un sérieux frein.
« Il est peu probable qu’un de nos A320 soit opéré avec des batteries », confirme Grazia Vittadini, directrice de la technologie chez Airbus, en défendant plutôt la piste d’une propulsion hybride.
Pour l’heure, quatre solutions énergétiques coexistent, mais aucune n’est satisfaisante à elle seule : le kérosène, l’hydrogène – qui nécessite des réservoirs quatre à six fois plus grands –, les batteries, trop lourdes, et les biocarburants.
« L’avion hybride (alliant l’une ou l’autre de ces solutions, NDLR) présente l’avantage majeur d’être déployable à court terme », affirme Jérôme Bouchard, expert en aéronautique au cabinet Oliver Wyman.
Au Bourget, qui ouvre ses portes lundi, l’Onera présente « Dragon », son nouveau concept d’avion de ligne de 150 places, hybride et à « propulsion distribuée », c’est-à-dire une multitude de moteurs électriques placés sous les ailes et alimentés par des turbogénérateurs fonctionnant au kérosène. Le gain en termes de consommation serait de 15 % par rapport à un A320 de nouvelle génération.
Le biocarburant peut « réduire de 50 à 90 % les émissions de gaz à effet de serre » des avions par rapport au kérosène actuel, selon l’institut IFP Énergies nouvelles (IFPEN). Il a été testé avec succès. Mais, pour l’heure, son bilan carbone total est discutable, sa production entre en conflit avec les cultures alimentaires et son prix est très élevé. De nouvelles solutions à base d’algues, de résidus forestiers ou de déchets sont à l’étude ou en projet.
Autre piste pour réduire la consommation de carburant : l’allègement de la structure de l’avion. La fibre de carbone est déjà largement utilisée pour certaines parties du fuselage, mais ce matériau n’est pas très écologique.
Des recherches sont en cours pour exploiter les capacités de capteur de CO2 des algues et les utiliser comme fibre. La résistance des toiles d’araignées et leur incroyable flexibilité sont également examinées par les chercheurs qui pourraient s’en inspirer.
Enfin, des formes futuristes sont dans les tiroirs, comme l’aile delta ou en forme de V pour améliorer l’aérodynamique et s’adapter à de nouveaux modes de propulsion.
Pour M. Bouchard, le fait que l’aviation soit actuellement pointée du doigt peut finalement être une « opportunité pour l’industrie ». « La flotte commerciale mondiale représente seulement 28 000 avions », c’est-à-dire, selon lui, « la bonne taille pour réagir ».