Au salon du nucléaire à Paris, pleins feux sur les start-up et l'industrie pour regagner le terrain perdu
Publié le - par Le blob.fr, avec l'AFP
« Il faut maintenir l’élan ! » L’industrie nucléaire mondiale est réunie pendant trois jours, de mardi à jeudi, pour son grand salon près de Paris, portée par un retour en grâce de l’atome, qui doit cependant encore se concrétiser sur le terrain. Au World Nuclear Exhibition (WNE), industriels, ministres, experts… ont mesuré le chemin parcouru depuis la précédente édition, fin 2021, et se disent prêts comme jamais à porter les arguments climatiques du secteur à la COP28, qui ouvre vendredi.
« C’est un retour en force : des pays qui voulaient dire au revoir au nucléaire changent d’avis, certains construisent, et l’appétit est croissant, en Chine, en France, aux États-Unis, Canada, Pologne… », a souligné le patron de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), Fatih Birol. Il a appelé, notamment, à prolonger la durée de vie des réacteurs nucléaires (la « source d’électricité la moins chère ») et s’est dit « plein d’espoir » devant l’innovation autour de « petits réacteurs » (dits SMR).
La Chine est championne des inaugurations, une centrale se construit en Égypte et, aux États-Unis, un premier démarrage depuis des décennies a eu lieu. Mais le secteur a aussi perdu bien du terrain en 30 ans, quand il fournissait 20 % de l’électricité mondiale (moins de 10 % désormais), a rappelé M. Birol, après le coup de frein général dans la foulée de l’accident de Fukushima au Japon en mars 2011. Aujourd’hui, on « ajoute bien moins de nucléaire qu’il n’en faudrait si nous voulons respecter les accords de Paris » sur le climat, a mis en garde le patron de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Rafael Mariano Grossi.
Le monde a gagné seulement 7 gigawatts (GW) de capacités supplémentaires en 2023. « Il y a environ 400 réacteurs dans 31 pays, on aurait besoin du double ou peut-être plus » en 2050, selon lui. « Il y a une grande marge d’amélioration », a-t-il dit. Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, l’AIEA comme l’AIE tablent au moins sur un doublement des capacités de production nucléaire. Le secteur propose un triplement. Au WNE, les industriels notent le besoin d’investir à nouveau dans les chaînes d’approvisionnement, dans la formation des personnels, la nécessité d’attirer les talents…
Faire partie de la solution
Le salon doit ainsi accueillir, parmi ses 20 000 visiteurs, quelque 700 élèves et étudiants. Pour « tripler », « nous ne pouvons pas nous reposer seulement sur la vieille garde, il faut faire venir les jeunes, et de nouveaux opérateurs », a expliqué Diane Cameron, de l’Agence de l’énergie nucléaire (OCDE). Le WNE accueille un record de 750 exposants de 76 pays, appelés mardi à « maintenir l’élan » par la présidente de l’événement, Sylvie Bermann.
Le salon porte une attention inédite aux start-up, au moment où Canada, USA, France, Royaume-Uni, etc., font la course pour mettre au point de « petits réacteurs modulaires » (SMR) et de 4e génération désignés sous l’acronyme AMR (advanced modular reactors). Ces équipements, à des stades de maturité différente, veulent proposer des usages nouveaux (décarbonation de sites industriels, production de chaleur…).
À côté des grands pavillons de la Chine ou de la France (mais en l’absence cette année du géant russe), un « village de start-up » a été installé, avec des prix et du mentorat. Lundi, la France a annoncé 100 millions d’euros de soutien à six projets. Le financement est un autre sujet majeur pour le secteur, alors que les banques multilatérales comme la Banque mondiale n’ont pas la possibilité de financer ce domaine.
Au WNE, on attend avec impatience la COP28. « Avant, c’était un tabou aux COP : le nucléaire n’était pas considéré comme faisant partie de la solution », a relevé M. Grossi. « Et cette fois, tous les pays qui utilisent le nucléaire vont fièrement s’unir et dire à la COP que pour eux le nucléaire fait partie de la solution » face au réchauffement climatique.
A la conférence de Dubaï, six pays dont la France espèrent engager une quarantaine d’États à appeler à tripler les capacités de production nucléaire d’ici à 2050. Sama Bilbao y Leon, présidente de l’Association mondiale du nucléaire (WNA), attend « une COP pragmatique et réaliste ». « Il est temps (pour nous) de +briller+ », dit-elle, en annonçant la présentation à Dubaï d’« un engagement » du secteur pour tenir les objectifs fixés.