Après des années de déclin, le tabagisme ne recule plus
Publié le - par LeBlob.fr, avec l’AFP
Près d’un tiers des Français fument. Ces chiffres, les derniers en date, montrent que la consommation de tabac ne baisse plus après des années de net déclin. Ce sont d’abord les plus pauvres qui sont exposés. « Les inégalités sociales en matière de tabagisme restent très marquées », conclut une étude publiée mercredi sous l’égide de l’agence Santé publique France, à l’occasion de la Journée mondiale sans tabac.
Ce travail vise à mesurer la fréquence en France de la consommation de tabac. Celle-ci, qui concerne très largement les cigarettes, reste l’une des principales causes de décès dans le pays et dans le monde, non seulement par cancer mais aussi à cause de troubles cardio-vasculaires.
En France, le tabagisme avait enfin commencé à baisser lors de la deuxième moitié des années 2010, après plus d’une décennie de campagnes anti-tabac, un tournant en matière de santé publique qui avait été imprimé sous la présidence de Jacques Chirac.
Mais la tendance est désormais interrompue. Les chiffres de Santé publique France, qui remontent à 2022 et se basent sur un sondage réalisé auprès de plus de 3000 adultes de moins de 75 ans, montrent que le tabagisme est resté au même niveau qu’en 2019 : environ un tiers des personnes disent fumer, environ un quart disent le faire chaque jour.
Les chercheurs ont une hypothèse principale pour expliquer cette interruption, même s’il est difficile de la prouver. La crise du Covid et son environnement anxiogène à plusieurs titres (craintes sanitaires, strictes restrictions) auraient poussé de nombreuses personnes à continuer, ou reprendre, leur consommation de tabac.
« La pandémie (de Covid) a également pu avoir un impact sur la santé mentale de la population qui s’est dégradée, (…) les troubles anxieux et dépressifs (étant) associés au tabagisme », souligne l’étude menée par l’épidémiologiste Anne Pasquereau. Pourtant, ce n’était pas une fatalité, comme en témoigne le cas d’autres pays tout autant frappés par le Covid, comme les Etats-Unis. Là-bas, la consommation de tabac a continué à baisser pour atteindre des niveaux particulièrement bas : à peine plus de 10 % des Américains déclaraient fumer des cigarettes l’an dernier.
Pour mieux comprendre les difficultés de la France à réduire la consommation de tabac, également observées dans d’autres pays européens comme l’Italie, il faut regarder plus en détail les chiffres du tabagisme. La consommation de tabac reste en effet nettement plus élevée chez les Français aux plus faibles revenus (un tiers d’entre eux fument au quotidien) malgré un petit rebond chez les plus aisés. Si l’on s’intéresse plutôt à la situation professionnelle, quatre chômeurs sur 10 (42 %) fument chaque jour.
Les inégalités sociales se traduisent donc fortement en matière de tabagisme, ce que certains experts présentent comme un effet collatéral malheureux des campagnes de santé publique à l’œuvre ces dernières années. « Elles ont un impact plus important parmi les classes sociales les plus favorisées », explique, dans un éditorial également publié par Santé publique France, la tabacoloque Anne-Laurence Le Faou, appelant à des mesures mieux ciblées.
Mais, en matière de réduction du tabagisme, il y a aussi des raisons d’espérer, comme le montre une seconde étude publiée chez l’agence, cette fois auprès des plus jeunes. Chez ces derniers – des adolescents de 17 ans interrogés lors de leur journée d’appel de préparation à la défense en 2022 –, la consommation de tabac est de moins en moins courante, une tendance aussi observée pour d’autres addictions comme l’alcool. « Pour la première fois (depuis le lancement de ces études en 2000), les jeunes n’ayant jamais expérimenté le tabac sont majoritaires », soulignent les chercheurs, emmenés par le statisticien Alex Brissot.
L’étude, qui constate par ailleurs également un effet des inégalités sociales chez les jeunes, note toutefois une hausse de l’usage des cigarettes électroniques dans cette classe d’âge, à un moment où le gouvernement envisage d’interdire leur version jetable, les « puffs ».
Mais, élément rassurant, leurs jeunes consommateurs ne semblent pas particulièrement enclins à passer ensuite aux cigarettes classiques, une conclusion qui reste toutefois à confirmer.