Application StopCovid et libertés, les conditions posées par la Cnil
Publié le - par le blob avec l’AFP
Conforme, à condition de renforcer les garanties de protection des libertés, et d’évaluer régulièrement son utilité : la Cnil a rendu hier un avis très attendu sur l’application de traçage StopCovid.
Ce dispositif gouvernemental doit permettre, lors du déconfinement, de répertorier les contacts avec des malades du coronavirus. L’application, inspirée de stratégies déployées par Singapour notamment, doit alerter les personnes l’ayant téléchargée quand elles ont côtoyé, par exemple dans un train ou un métro, des personnes diagnostiquées positives au Covid-19, et elles-mêmes équipées.
Plusieurs autres pays européens étudient ce type de dispositif, qui repose sur la technologie bluetooth permettant à des smartphones de communiquer entre eux. Il sera basé en France sur le volontariat, anonyme, temporaire et transparent, a promis l’exécutif.
L’objectif est d’encourager les personnes averties à se faire tester et à s’isoler. StopCovid permettrait aussi de cartographier l’évolution de l’épidémie, qui a tué 22 614 personnes en France depuis début mars, selon le dernier bilan communiqué samedi.
« Conforme » sous conditions
La Cnil, organisme veillant au respect des libertés dans le domaine numérique, estime que dans un « contexte exceptionnel de gestion de crise » en accompagnement du déconfinement à partir du 11 mai, le dispositif est conforme aux exigences européennes « si certaines conditions sont respectées ». Cela signifie que StopCovid respecte bien le Règlement général sur la protection des données (RGPD) qui encadre en Europe la collecte, la conservation et le partage des données personnelles.
« Ce déploiement doit s’inscrire dans un plan d’ensemble de déconfinement et de lutte contre l’épidémie, selon la Cnil, qui met en garde contre la tentation du “solutionnisme technologique” ». L’instance demande d’ailleurs des garanties supplémentaires et veut « pouvoir se prononcer à nouveau après la tenue du débat au Parlement », selon un avis adopté le 24 avril et rendu public hier.
Parmi les garanties allant dans le bon sens, selon la Cnil : le volontariat et l’utilisation de pseudonymes. L’organisme demande que le téléchargement puisse se faire sans « conséquence négative en cas de non-utilisation ». Pas question de refuser un test ou un billet de train à une personne qui n’utiliserait pas l’application, en clair.
La Cnil énumère aussi une série de suggestions techniques. Elle souligne en particulier que l’algorithme envisagé à ce stade par le gouvernement « ne devrait plus être utilisé », si l’on s’en tient aux recommandations de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information.
Large adoption
La Cnil relève que l’efficacité de StopCovid dépendra « de sa disponibilité dans les magasins d’application (appstore, playstore…), d’une large adoption par le public ». Et ce au moment où seuls 39 % des Français ont confiance dans le gouvernement pour faire face efficacement au coronavirus, selon un sondage Ifop pour le Journal du dimanche.
Le Conseil national de l’ordre des médecins avait lui aussi estimé, dans un avis rendu samedi, que « l’efficacité d’une application de suivi des interactions sociales repose sur une utilisation importante », et demandé qu’elle soit accompagnée d’un dépistage « massif ».
Dans un entretien au Journal du dimanche, le secrétaire d’Etat au numérique, Cédric O, a souligné que l’application ne fonctionnait pour l’instant pas correctement sur les iPhone, soit un smartphone sur 5 en France. Mais selon lui, « ce que disent les épidémiologistes, c’est qu’il n’y a pas de seuil minimum de téléchargements nécessaire pour que cette application soit utile ». Il a affirmé que « dans l’arbitrage entre contrainte sanitaire et libertés individuelles, nous avons poussé à fond vers les libertés individuelles ».
Dimanche, il a commenté par un tweet l’avis de la Cnil, qui selon lui « valide le déploiement de #StopCovid comme brique d’une stratégie globale d’enquêtes sanitaires. Une étape importante. On continue ». Pour éviter toute dérive, la Cnil « recommande (…) que l’impact du dispositif sur la situation sanitaire soit étudié et documenté de manière régulière ».
L’Académie nationale de médecine a de son côté émis le 22 avril un « avis favorable » au recours à StopCovid, en soulignant également que « l’efficacité du traçage dépendra pour une large part de l’acceptation et de l’adhésion confiante de la population ».
Le gouvernement présente mardi à l’Assemblée nationale sa stratégie de déconfinement, dont le déploiement de cette application fait partie.