L’appendice, un organe source de longévité !
Publié le - par Veronique Marsollier
L’appendice un organe inutile ? Peut-être pas tant que ça… Une équipe française de l’Inserm et du Museum national d’histoire naturelle a fait une découverte étonnante : sa présence chez certains mammifères serait corrélée à une plus grande longévité !
La route a été longue pour arriver à ce constat… Pour Charles Darwin, cette petite structure anatomique de quelques centimètres située dans l’abdomen, partie atrophiée du début du gros intestin, était une structure vestigiale, inutile et sans fonction. Probablement, selon lui, liée à une réduction de la taille du cæcal (début du gros intestin) qui se serait produite en raison d’un changement de régime alimentaire ou d’habitudes chez nos lointains ancêtres.
Suscitant donc peu d’intérêt sa fonction est longtemps demeurée mal comprise. Or l’organe engendre actuellement un regain d’intérêt et fait l’objet de nombreux travaux. En effet, des études récentesont démontré, par exemple, que l’appendice cæcal est apparu chez certains mammifères il y a au moins 80 millions d’années. On sait aussi, qu’au cours de l’évolution, il fait des apparitions multiples et indépendantes – entre 6 jusqu’à 41 fois selon diverses études – dans de nombreuses lignées de mammifères, sans que l’on puisse établir de corrélation évidente avec le régime alimentaire, le mode de vie, l’environnement ou bien encore la taille du cæcum des animaux. Aujourd’hui, on le retrouve aussi bien chez l’orang-outan, le koala et le lamantin que le castor ou encore l’ornithorynque. Toutefois, sa fonction précise demeure énigmatique.
Par ailleurs, depuis plusieurs années, des travaux de recherche médicale sont menés pour mieux comprendre le principe d’inflammation de l’appendice, en l’occurrence, l’appendicite. Or des études récentes ont montré que « les personnes qui ont fait une appendicite [et opérées] avant l’âge de 20 ans sont protégées contre la survenue d’une forme spécifique d’inflammation chronique du côlon et du rectum : la rectocolite hémorragique », explique le docteur Éric Ogier-Denis spécialiste de la maladie et coauteur de l’étude. Mais comment une appendicite est-elle capable de réduire cette inflammation du colon ? Quel est le système immunitaire impliqué dans la rectocolite hémorragique et le rôle de l’appendice ?
Une collaboration fructueuse
Ce sont ces questionnements et ces avancées parallèles sur la connaissance de l’organe tant dans le domaine de l’évolution des mammifères que médical qui ont poussé des chercheurs dans des disciplines a priori très différentes à collaborer.
L’équipe menée par le chercheur Eric Ogier-Denis, spécialiste d’une maladie inflammatoire de l’intestin, la rectocolite hémorragique à l’Inserm (U1242) de l’université de Rennes, et Michel Laurin, paléontologue spécialiste de l’évolution au CR2P (Centre de Recherches sur la Paléobiodiversité – Muséum National d’Histoire Naturelle) ont donc décidé de creuser l’hypothèse d’un lien entre l’appendice et la longévité. « L’idée de s’intéresser à la longévité nous a été suggérée par nos travaux portant sur la relation entre appendicite/appendicectomie, rectocolite hémorragique et l’implication du système immunitaire. Avec un système immunitaire plus actif et mieux éduqué, on doit théoriquement mieux résister à l’environnement et vivre plus longtemps »,explique Eric Ogier-Denis.
Les chercheurs ont alors compilé et analysé les données – telles que la masse corporelle et la présence ou l’absence d’un appendice obtenues à partir d’une base en libre accès –, et les ont couplées à l’histoire phylogénétique de 258 espèces de mammifères (dont 39 avec et 219 sans appendice).
Les scientifiques se sont notamment intéressés à la longévité maximale théorique (la durée de vie théorique des mammifères, établie en fonction de leur poids) et à la longévité maximale réelle des différentes espèces considérées, données extraites de deux bases de données Animal Diversity Web etAnAge, elles-aussi disponibles en ligne.
Leurs observations communes ont porté leur fruit. Et pour la première fois, « On est raisonnablement certain avec toutes ces données qu’il y a bien un lien entre les deux on peut constater que la longévité augmente en présence de l’appendice », affirme Michel Laurin, co-auteur de l’étude. En effet, comparé à un mammifère de même poids ne possédant pas d’appendice, un mammifère qui présente un appendice a une durée de vie plus longue.
« Un sanctuaire bactérien »
Mais comment expliquer cette corrélation ? Les chercheurs avancent l’hypothèse que la forme vermiculaire de l’appendice favoriserait la constitution d’un « sanctuaire bactérien » facilitant la recolonisation du colon par un microbiote intestinal spécifique non pathogène et symbiotique.
Celui-ci permettrait alors par exemple de diminuer la mortalité par diarrhée infectieuse très répandue chez les mammifères et également chez l’homme. Elle est actuellement la deuxième cause mondiale de décès avant l’âge de 5 ans selon l’Organisation mondiale de la santé.
La présence de l’appendice serait ainsi associée à une diminution de la mortalité et donc à l’allongement de la longévité chez les mammifères qui le possèdent.
On sait maintenant que « L’appendice est un organe important car il augmente la capacité de réponse immunitaire, explique Eric Ogier-Denis mais « Cela ne signifie pas qu’une appendicectomie pour appendicite réalisée chez l’Homme modifie la longévité. En effet, l’appendicite dans le jeune âge est certainement bénéfique en exacerbant l’éducation du système immunitaire et en lui permettant de lutter plus efficacement en cas d’infection ultérieure. Le traitement de l’appendicite reste l’appendicectomie et ce travail n’apporte aucun argument suggérant de modifier cette attitude thérapeutique. Seule l’appendicectomie réalisée sans appendicite pourrait avoir des conséquences délétères dans le contexte de pathologies inflammatoires et infectieuses intestinales », précise-t-il.
Des études sur les diverses fonctions possibles de l’appendice sont en cours. Sur la question de la longévité elles seront complétées prochainement par des travaux sur d’autres espèces de mammifères.