Affaire Lambert : la France non soumise à l'avis d'un comité de l'Onu
Publié le - par le blob, avec l'AFP
La France répondra à la demande d’un comité de l’Onu, qui souhaite le maintien provisoire des soins de Vincent Lambert, en état végétatif depuis dix ans, mais elle n’est pas tenue légalement de la respecter, a affirmé le 5 mai la ministre de la Santé Agnès Buzyn, une position vivement critiquée par les avocats des parents.
Le 30 avril, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) avait ouvert la voie à l’arrêt des soins de Vincent Lambert, en rejetant la demande de suspension d’une décision du Conseil d’État. Mais le Comité international des droits des personnes handicapées de l’Onu (CIDPH), saisi par les parents de Vincent Lambert – opposés à un arrêt des soins de leur fils –, a demandé à la France de surseoir à toute décision d’arrêt, le temps d’instruire ce dossier sur le fond, ont annoncé le 4 mai les avocats des parents. « Aujourd’hui, juridiquement parlant, tous les recours » dans cette affaire « sont arrivés au bout, et toutes les instances juridictionnelles, qu’elles soient nationales ou européennes, confirment le fait que l’équipe médicale en charge de ce dossier est en droit d’arrêter les soins » de Vincent Lambert, a rappelé la ministre sur la chaîne d’info BFMTV. « Les parents de Vincent Lambert se sont retournés vers ce comité qui s’occupe des personnes handicapées, et non des personnes en état végétatif comme Vincent Lambert », et cet organisme a demandé de surseoir à un arrêt des soins « parce qu’ils n’ont que la version des parents », a-t-elle estimé. « Nous ne sommes pas tenus par ce comité légalement, mais bien entendu nous prenons en compte ce que dit l’Onu et nous allons leur répondre », a ajouté la ministre.
Dénonçant des propos « irréfléchis », les avocats des parents de Vincent Lambert y ont vu « un mépris manifeste d’un membre du gouvernement vis-à-vis de cette instance internationale ». « Le CIDPH (...) a été créé par une convention internationale que la France a ratifiée le 10 février 2010 en acceptant librement de se soumettre aux obligations en découlant (...) Conformément au droit international, les mesures provisoires demandées par le CIDPH sont juridiquement contraignantes », ont affirmé Me Jean Paillot et Me Jérôme Triomphe dans un communiqué. « Ces propos irresponsables masquent mal l’embarras du ministre de la Santé face à ce fiasco éthique, médical, humain et judiciaire qu’est devenue l’affaire Lambert. » Les médecins-conseils des parents de Vincent Lambert sont allés en ce sens en se disant « étonnés » des propos d’Agnès Buzyn : pour eux, Vincent Lambert est bel et bien « handicapé ». « Les patients en état de conscience altérée ont des séquelles motrices et intellectuelles secondaires à des lésions cérébrales acquises lors d’un accident ou d’un AVC. Leur état peut rester stable, sans intervention médicale lourde, pendant de nombreuses années. Ils sont donc bien handicapés au sens médical et juridique », ont-ils assuré dans un communiqué envoyé à l’AFP dimanche soir. L’État français dispose de six mois pour fournir ses observations au comité. En attendant, ce dernier a demandé à la France de veiller à ce que l’alimentation et l’hydratation de Vincent Lambert ne soient pas suspendues, en vertu de la convention relative aux droits des personnes handicapées.
Ancien infirmier psychiatrique de 42 ans, Vincent Lambert se trouve en état végétatif au CHU de Reims à la suite d’un accident de la route en 2008. Les décisions sur un arrêt des soins n’ont jamais été mises en œuvre, freinées par de multiples imbroglios et recours juridiques successifs. L’affaire, devenue un symbole du débat sur la fin de vie en France, déchire sa famille depuis six ans : d’un côté, les parents, un demi-frère et une sœur s’opposent à l’arrêt des soins ; de l’autre, son épouse Rachel, son neveu François et cinq frères et sœurs du patient dénoncent un acharnement thérapeutique.