Abeilles : la justice interdit la vente en France de deux pesticides
Publié le - par le blob l’extra-média, avec l’AFP
La justice a interdit la vente, en France, de deux pesticides du groupe américain Dow AgroSciences (Corteva), accusés par des associations écologistes de nuire à la santé des abeilles, une décision saluée par les défenseurs de l’environnement et les apiculteurs.
« Le tribunal a estimé que le sulfoxaflor, qui entre dans la composition de ces pesticides et a pour effet d’agir sur le système nerveux central des insectes, était susceptible, en l’état des connaissances scientifiques de présenter un risque de toxicité important pour les insectes pollinisateurs », a expliqué dans un communiqué le tribunal administratif de Nice saisi par deux associations écologistes, Agir pour l’environnement et Générations futures, et par l’Union nationale de l’apiculture française.
L’instance, qui avait déjà suspendu en référé la vente de ces deux produits en novembre 2017, a fait valoir le principe de précaution pour justifier l’annulation de l’autorisation de mise sur le marché du Transform et du Closer accordée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) en septembre 2017.
Les deux pesticides visés servent à traiter les cultures de grands champs et les fruits et légumes contre les pucerons grâce à une substance active, le sulfoxaflor, présentée par les associations comme « un néonicotinoïde de nouvelle génération » sur la base de plusieurs études scientifiques.
Les néonicotinoïdes s’attaquent au système nerveux des insectes et désorientent les pollinisateurs, contribuant au déclin spectaculaire des colonies d’abeilles. Ils touchent aussi des invertébrés terrestres et aquatiques et persistent dans l’eau et les sols. Le fabricant avait, lui, contesté en 2017 tout amalgame entre les néonicotinoïdes et le sulfoxaflor. « Le sulfoxaflor est un insecticide innovant qui ne présente pas de risque inacceptable pour les abeilles lorsqu’il est utilisé conformément aux recommandations de l’étiquette », a réagi Corteva, la nouvelle structure dans laquelle a été intégré Dow AgroSciences après la fusion entre les géants américains Dow Chemical et DuPont.
Les produits à base de sulfoxaflor « sont autorisés dans 18 états de l’Union européenne et dans 86 pays dans le monde », a ajouté Corteva disant étudier « les possibilités de réagir à cette décision ».
« Réfléchir à deux fois »
« Si l’Anses et la société Dow AgroSciences font valoir que l’utilisation de l’insecticide est assortie de mesures d’atténuation des risques, telles que l’absence d’application du produit durant la période de floraison, ces mesures ne peuvent être regardées comme suffisantes », estime le tribunal dans son jugement.
Il se réfère aussi à l’Autorité européenne de sécurité des aliments, qui a relevé des risques élevés pour les abeilles et les bourdons lors de l’utilisation de sulfoxaflor dans des rapports publiés en 2015 et 2019.
« Dans ces conditions, l’existence d’un risque pour les pollinisateurs doit être regardée comme une hypothèse suffisamment plausible en l’état des connaissances scientifiques », poursuit-il, estimant que le directeur de l’Anses avait « méconnu le principe de précaution » en autorisant la mise sur le marché des deux produits.
Dow AgroSciences et l’Anses ont été condamnés à verser chacun 1 500 euros à Générations Futures, et 1 500 euros à l’Union nationale de l’apiculture française et Agir pour l’environnement. Cette décision « servira, nous l’espérons, à inciter le gouvernement et les agences évaluatrices à réfléchir à deux fois avant de délivrer des autorisations de mises sur le marché de produits dont les utilisations pourraient s’avérer désastreuses pour la biodiversité ou pour la santé humaine », a réagi François Veillerette, directeur de Générations Futures, cité dans un communiqué.
Saluant « une décision exemplaire », l’avocat de l’association, François Lafforgue, estime de son côté qu’elle « fera incontestablement date (...) dans la lutte pour la préservation de la biodiversité ».
« Le processus d’autorisation de mise sur le marché de pesticides est faillible et nécessite d’être revu en profondeur afin d’éviter qu’à l’avenir, la précipitation ne soit la norme et la prise en compte du principe de précaution l’exception », ont aussi réagi, dans un communiqué distinct l’Union nationale de l’apiculture française et Agir pour l’environnement.