Entre le terrestre et l'aquatique, il existe un écosystème méconnu primordial dans la lutte contre le changement climatique : les tourbières. Ces zones humides ne couvrent que 3 % de la surface du globe mais captent un tiers du carbone piégé dans les sols. Comme les forêts et les océans, les tourbières sont des puits de carbone car elles absorbent le CO2 et le stockent diminuant son émission dans l'atmosphère. Mais le réchauffement peut affecter durablement le fonctionnement de ces écosystèmes. Comment la hausse de températures agit-elle sur les tourbières ? Ces zones peuvent-elles se transformer en source de carbone ? Autant de questions que veulent résoudre des microbiologistes sur les contreforts des Pyrénées. Depuis 2018, la tourbière de Lapazeuil est le terrain d'étude de Vincent Jassey et de son équipe. Ces microbiologistes étudient l'adaptation des tourbières au changement climatique. Ils vont régulièrement sur ce site pour comprendre les phénomènes à l'œuvre. Sous leurs pieds, le sol se compose de mousses, des sphaignes. Elles sont comme des éponges. Elles absorbent l'humidité et acidifient les sols, ralentissant la décomposition de la matière organique. Ici, on a la composition d'une tourbière. Il y a différentes parties. Il y a la partie vivante qui va de la surface à ici. Elle se compose de mousses, les sphaignes. En dessous, il y a la tourbe qui est l'accumulation de ces sphaignes qui se décomposent très peu et qui se colorent en brun-marron et s'accumulent au cours du temps. Environ 1 cm de tourbe représente 100 ans. Donc on a plusieurs centaines d'années sur cet échantillon. Pour comprendre la réaction des tourbières aux variations de températures, ils ont simulé un changement climatique en transplantant des extraits de tourbière issus de différentes zones géographiques. Ces bacs en plastique accueillent des échantillons prélevés au cours de missions en Estonie, en Pologne ou encore en Suède. Résultat : l'assèchement des tourbières diminue la présence de mousses, accélérant la décomposition du sol et la libération de CO2 dans l'atmosphère. Mais dans quelle proportion ? On fait des mesures de flux de CO2, des mesures sur les micro-organismes principalement. On prélève de la tourbe dans le sous-sol qu'on met ensuite dans une bouteille avec un capteur de CO2 sur la bouteille pour mesurer le CO2 relargué par ces micro-organismes. En parallèle, on fait des mesures à l'échelle de l'écosystème. On a des chambres de mesure pour mesurer à la surface du sol les échanges nets entre l'assimilation de CO2 par les plantes et le relargage du CO2 par les micro-organismes et les racines des plantes. Après une longue sécheresse, il y a beaucoup de relargage de CO2 au niveau du sol. Les plantes cessent d'assimiler car c'est trop sec. Les échanges de carbone entre tourbières et atmosphère dépendent de la capacité de cet écosystème à décomposer la matière organique. Janna Barel étudie ce mécanisme en enterrant pendant plusieurs mois des sachets d'herbe, de mousse ou encore de thé. La comparaison et l'analyse de ces sachets met en lumière l'impact du climat sur les quantités de carbone émises par la tourbière. Il y a d'énormes quantités de carbone stockées sur cette zone. La décomposition signifie que l'on perd ce carbone. On cherche à quelle vitesse il disparaît et quelles conditions impactent ce phénomène. On apprend comment les saisons jouent un rôle dans ce processus. Cela crée un point de départ. La question suivante, c'est : que se passe-t-il avec ces variations saisonnières quand on assèche ou réchauffe ces tourbières ? On connaît peu les variations temporelles, je les étudie donc sur cette parcelle et sur une autre près d'un cours d'eau. Ce sont deux environnements différents. Je peux ainsi observer ce qui se passe. Au laboratoire Écologie fonctionnelle et environnement à Toulouse, l'équipe tente de comprendre les différents échantillons collectés. Classification des sphaignes par famille, mesure de l'acidité de l'eau, identification des micro-organismes, l'état de santé des tourbières est analysé au fil des mois. Un suivi précieux à l'échelle locale, complété par un projet international. Ces congélateurs abritent des échantillons de tourbières venus du monde entier, dont la composition microbienne est passée au crible. Sous les lentilles des microscopes, le petit peuple des tourbières se révèle. Les organismes photosynthétiques en vert, assimilent le CO2 de l'atmosphère comme les plantes. Ils cohabitent avec des prédateurs comme ces amibes à thèque. Quand il mange les algues, ce prédateur consomme leur biomasse. Ainsi, il respire du CO2 et le relargue dans l'atmosphère. Si on stimule l'activité de ces différents micro-organismes en augmentant la température, on stimule la perte de CO2 par les micro-organismes. L'avenir du climat mondial dépendrait-il d'une microscopique chaîne alimentaire ? Pour le découvrir, ces chercheurs tentent de compléter les actuels modèles climatiques pour y intégrer le rôle des micro-organismes. On estime que les tourbières du globe ont accumulé plus de 1 000 gigatonnes de carbone au cours des siècles passés. Soit plus que l'ensemble du carbone présent dans l'atmosphère. Si elles ne sont pas protégées, ces tourbières peuvent devenir une nouvelle source de pollution aux allures de bombe à retardement.
Réalisation :
Barbara Vignaux , Pierre De Parscau
Production :
Universcience, CNRS, IRD, Inrae
Année de production :
2021
Durée :
7min31
Accessibilité :
sous-titres français