« Ce que l'on sait avec certitude, c'est que lorsque nous avons des pics de pollution, les gens sont plus malades, les symptômes sont plus forts ou durent plus longtemps. » Depuis le mois de mai, la quasi-totalité de la France est en alerte rouge pour le risque d'allergie aux pollens. Ces allergies sont provoquées par différentes plantes. En début d’année, ce sont plutôt les arbres, comme le cyprès et le bouleau, suivis des graminées au printemps-début d’été et l’ambroisie en août-septembre. Mais ces périodes, propices aux allergies sont de plus en plus intenses et de plus en plus longues. C'est un phénomène qui est inquiétant déjà d'une part, et on a du mal à l'expliquer. La première raison qui a été avancée, c'est une hypothèse médicale, dit « hypothèse hygiéniste ». Si les gens de nos jours sont moins soumis à certains microbes, à certains virus, parce que l'eau est de meilleure qualité, parce que les aliments sont de meilleure qualité, parce que la médecine a fait des progrès, notre système immunitaire est différent, notre microbiome aussi est différent. C'est un peu une perte de biodiversité et cette différence de nos corps induit une sensibilité de notre système immunitaire. Le système immunitaire se met à surréagir face à des particules extérieures au corps - Je pense aux grains de pollen - qui ne sont en soit pas dangereux. On a une relation à la nature qui est vraiment modifiée. Quelque chose de tout à fait naturel, rend les gens parfois très malades. Donc ça c'est l'hypothèse hygiéniste. Ensuite, et bien on pense que la pollution a un rôle. Ce que l'on sait avec certitude, c'est que lorsque nous avons des pics de pollution, les gens sont plus malades, les symptômes sont plus forts ou durent plus longtemps. Ensuite, le changement climatique va avoir un effet direct. Des températures donc plus douces favorisent chez les plantes une formation de grains de pollen. Et donc plus de grains de pollen dans l'air, c'est plus de chances de devenir allergique ou également plus de symptômes. Ensuite, le changement climatique peut modifier la durée de la saison pollinique. Si une plante, par exemple pollinise au mois d'avril avec le changement climatique, elle pourrait commencer à polliniser plus tôt, par exemple au 15 mars. Et donc du coup, au lieu d'avoir une saison de quatre semaines, on a une saison de six semaines, donc plus d'exposition, encore plus de risque d’être allergique et des symptômes qui durent plus longtemps. Enfin, il y a un troisième élément, c'est que le changement climatique et certaines plantes, par exemple ne supportent pas un été sec. Elles vont naturellement se déplacer par le biais des graines et donc remonter soit en altitude, et remonter au nord et certaines plantes comme l'ambroisie vont mieux supporter le climat français et envahir plus de départements, de régions et donc forcément rendre les gens plus malades. Concernant le CO2 atmosphérique, la concentration est passée de 250 ppm, c'est-à-dire 0,025% en 1850 à à peu près 420 ppm de nos jours, donc 0,042%. Les plantes utilisent le CO2 par le biais de la photosynthèse et donc une augmentation de la concentration de CO2 atmosphérique a des effets sur la façon dont elles vont croître. Une croissance accélérée. Et ce CO2 a un effet sur leur production de pollen, avec un effet boostant. Pour donner un ordre de grandeur de l'augmentation des allergies en France aux pollens, on peut citer le cas de l'ambroisie. L'ambroisie actuellement, c'est 3% à peu près de la population française qui est atteint d'allergie à ce pollen. Et les projections basées sur le changement climatique et l'augmentation du CO2 atmosphérique semblent indiquer qu’on se dirigerait vers 15% de la population et jusqu'à 20-25% dans certaines régions. Les allergies aux pollens ont commencé à croître à partir du milieu du 19e siècle. Les médecins, avant le 19e siècle, n'avaient jamais décrit ces symptômes. Or ce sont des symptômes assez faciles à décrire : le nez qui coule, les yeux qui piquent. Et donc on est quasiment sûr que s'il y avait des allergiques avant le 19e siècle, il y en avait peut-être extrêmement peu. À partir du 19e siècle, on a les allergies qui commencent à augmenter dans certaines classes de la population, notamment les milieux plutôt bourgeois. L'exemple le plus célèbre, c'est Marcel Proust, qui était gravement asthmatique et probablement allergique aux acariens. Ces allergies aux pollens ont commencé à augmenter tout doucement, en passant de 1% de la population au 19e siècle à 3-4-5% au début des années 1980. Et puis on a une augmentation plus brutale, notamment en France, avec des taux qui passent les 20% dans les années 2000 et on atteint pour la rhinite allergique donc, c'est-à-dire la rhinite à tous les allergènes de l'air, presque près de 40% chez les jeunes adultes en France. Et donc voilà, on a vraiment une explosion, on parle d'épidémie d'allergie. Il existe des épisodes d'asthme d'orage, documentés depuis à peu près une petite cinquantaine d'années. L'asthme d'orage, par définition, c'est un pic d’admissions aux urgences pour des problèmes respiratoires juste avant un orage et pendant la saison pollinique des graminées. Il y a eu un exemple dans la région Ile-de-France, le week-end dernier avec plusieurs centaines de personnes qui se sont rendues aux urgences pour des problèmes respiratoires. Souvent, ce sont des personnes qui sont allergiques mais qui ne connaissaient pas leur asthme. Le grain de pollen est une particule qui est plutôt grosse, à peu près 20 micromètres, et notre corps est bien fait pour empêcher ces grosses particules que sont le pollen de pénétrer profondément dans nos poumons. Lors d'un épisode d'asthme d'orage, donc juste avant un orage, ce qui va se passer c'est que les pollens sont cassés par les conditions particulières et passer donc d'une particule qui est grosse, qui fait 20 micromètres à peu près, à une particule qui en fait 1, 2 ou 3 micromètres donc qui rentre profondément dans le poumon. Et c'est ce mécanisme-là qui n'est pas encore bien connu. On n'est pas capable actuellement de prédire pourquoi, dans quelles conditions un orage va provoquer un épisode d'asthme d'orage. En effet, il y a des milliers d'orages en France et il y a très peu d'épisodes d'asthme d'orage. Pour lutter contre les allergies, le plus efficace serait de ne plus être exposé aux grains de pollen. Donc certaines personnes arrivent à se protéger avec des masques et trouvent que leurs symptômes sont amoindris. D'autres personnes vont prendre des précautions pour éviter que le pollen pénètre dans leur air intérieur. Donc là par exemple, fermer les fenêtres, éviter de faire sécher son linge en extérieur, ou alors s’épousseter les épaules, les vêtements, les chaussures ou même se nettoyer les cheveux avant de rentrer chez soi. Donc ça, c'est une éviction allergène. C'est extrêmement compliqué pour quelque chose qui s’insinue partout. Il est vraiment important de consulter en premier son médecin traitant pour traiter son allergie. En effet, une allergie qui n'est pas traitée peut engendrer d'autres problèmes. Par exemple, l'allergie, c'est souvent associée avec l'asthme, qui est une maladie grave, qui peut être handicapante et parfois fatale malheureusement. Et puis il y a des allergies croisées qui peuvent apparaître par exemple, lorsqu'une personne est allergique au pollen de bouleau, elle peut devenir allergique à la pomme. Il y a des choses ensuite que l'on peut faire au niveau plus politique, notamment politique de la ville. Éviter de planter des arbres par exemple, dont on sait le caractère allergisant. Je pense par exemple au bouleau qui est souvent planté pour des raisons d'ornementation parce que c'est un bel arbre. Mais le problème c'est que c'est un arbre extrêmement allergisant, C'est l'arbre le plus allergisant. Donc là il y a quand même une réflexion à avoir sur l'utilité de mettre des arbres qui vont rendre les gens malades. Ensuite, je crois que l'allergie, c'est un bon prétexte pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Le CO2 augmente la quantité de pollens, augmente les allergènes. On va augmenter les symptômes, augmenter le nombre de personnes allergisantes. Donc là c'est un appel pour agir sur nos émissions.