Pourquoi chez-vous ? Loïc Blondiaux – Politiste à l’université Paris I – Panthéon Sorbonne – Labex Tepsis
Cette idée qu’on puisse être chercheur en sciences politiques est quelque chose qui ne va absolument pas de soi dans le corps social. Je revendique le fait d’avoir un pied dans la science et un pied dans la politique d’un certain point de vue, d’être à la fois normatif et objectif. Ce qui m’a intéressé, c’est comment, finalement, sur une période de plusieurs décennies, les sondages s’étaient diffusés comme un élément incontournable de la vie politique française. Ce n’est pas allé du tout de soi. En France, les premières fois où on a fait des sondages, avant la Seconde Guerre mondiale, personne n’y croyait. Tout le monde trouvait que c’était une invention absolument bizarre, et disait que toute façon, les Français ne voudraient jamais répondre aux questions de sondages. Ils mentiront. En tant qu’observateur, ce constat finalement d’une véritable compétence citoyenne, y compris chez les citoyens les moins éduqués, c’est quelque chose qui non seulement m’a donné envie de continuer à travailler sur la démocratie participative, continuer à travailler, mais aussi me procure une très grande satisfaction face à tous les discours qui disqualifient finalement les simples citoyens en leur déniant toute capacité à produire des jugements politiques, rationnels et intelligents. Moi, je marche beaucoup quand j’enseigne. Je fais les cent pas et c’est là finalement que me viennent les idées. C’est dans cette marche qui n’est pas complètement solitaire, sous le regard des autres que me viennent les associations d’idées qui me permettent de donner sens à ce à quoi je suis en train de travailler. Et pour moi, c’est absolument décisif. L’enseignement et la recherche sont les deux faces d’une même activité de pensée. Mes expériences les plus précieuses, c’étaient mes expériences de séminaires où devant une vingtaine d’étudiants je peux me penser comme une forme de trapéziste. Je peux prendre des risques dans la pensée. Comment ça se traduit après dans l’écriture, je n’en sais strictement rien. Il y a quelque chose de vraiment magique. On sent que ça cristallise et que finalement à la fin, ça donne quelque chose comme un résultat de recherche. J’aime être au plus près des acteurs. J’aime être dans l’action d’un certain point de vue. Pour moi, ça c’est très précieux. Donc je ne peux penser qu’avec les acteurs. Je ne me mets pas à leur service, mais j’aime bien être un chercheur embarqué. Embarqué dans des aventures, embarqué dans des histoires. A force d’immersion, on peut ressentir les choses. On peut être dans une posture compréhensive. Comprendre, c’est ça notre objectif, comprendre les choses, mais aussi s’émouvoir. C’est une position qui n’est tenable que si on fournit des efforts constants et importants de réflexivité. Et il est clair qu’en particulier dans le domaine qui est le mien, les sciences sociales jouent un rôle véritable. Un rôle de chambre d’écho, un rôle de légitimation, de promotion. Et donc du coup, on devient soi-même acteur de sa propre recherche. C’est pas du tout compliqué finalement à faire, dès lors qu’on accepte de le faire et qu’on reconnaît la spécificité de sa position.
Réalisation :
Geneviève ANHOURY
Production :
Ex Nihilo, avec la participation d'Universcience
Année de production :
2017
Durée :
3min44
Accessibilité :
sous-titres français