Il en est du pain comme de l’huile des lampes à huile. Elle se change en lumière.
Antoine de Saint-Exupéry
À travers les âges, les humains ont appris à fabriquer des pains, des yaourts, des fromages, de la choucroute, des saucissons, des condiments, de la bière ou du vin en contrôlant la croissance d’espèces de bactéries et de levures variées dans les aliments pourrissants.
La multiplication du pain est une idée bien antérieure à Jésus Christ : les Egyptiens avaient déjà découvert qu’en laissant pourrir un peu de farine et d’eau, on obtenait une fermentation qui transformait le mélange en levain. Le levain permettant de fabriquer plus de pain...
Ce processus de fermentation consiste en une multiplication des levures volatiles, qui se démultiplient encore pendant la fabrication de la pâte à pain.
Les boulangers qui utilisent leur propre levain ont perfectionné cette technique ancestrale, qui n’est rien d’autre qu’un pourrissement contrôlé. Ils le fabriquent en faisant infuser de la farine et des ingrédients comme le jus de pomme ou d’orange, le miel et des épices. Le mélange pourrit dans un récipient hermétique, pendant 5 jours, à 30° environ. Tout l’art du boulanger consiste à bien maîtriser cette fermentation : il régénère ce mélange malodorant en ajoutant de l’eau et de la farine avant de pétrir le tout, puis laisse le tout fermenter encore pour qu’il « prenne de la force ». Après avoir répété trois fois la même opération, le boulanger obtient un levain appelé « chef ». Il peut le conserver en le régénérant régulièrement pour le garder vivant. C’est ce levain qui, ajouté à la pâte, donne son goût au pain.
Pour rendre le pain encore plus goûteux, certains boulangers fabriquent des « pouliches » : un mélange de farine, d’eau et de Saccharomyces cerevisiae, la levure de boulanger. Après une nuit de fermentation, le mélange « bouillonne ». Le boulanger ajoute ce mélange à certaines pâtes à pain pour leur donner de l’arôme.
Pour comprendre comment la levure de boulanger fait lever la pâte à pain, il faut savoir que, comme nous, les levures respirent en utilisant de l’oxygène mais elles sont aussi capables de fermenter et de produire du dioxyde de carbone. C’est lui qui fait gonfler le pain.
La levure, en se démultipliant, produit également de l’éthanol. Mais après la cuisson du pain, il ne reste presque plus d’éthanol ni de dioxyde de carbone. Seul l’air contenu dans les alvéoles demeure. La fermentation se fait oublier, même si les millions de bulles de la mie sont la preuve qu'elle a bel et bien existée.