- Moi, c'est Clémentine - Moi, c'est Adrien - On est tous les deux passionnés d'aviation. - Et aussi de voyage ! - On a décidé de parcourir la planète... - Pour mieux la comprendre et essayer de nous rendre utiles. - Nous voilà donc embarqués dans un tour du monde en 14 mois, à bord de notre avion ultra-léger. L'objectif : rencontrer des scientifiques aux quatre coins du globe, participer à leurs recherches sur le terrain et leur apporter un appui aérien. Aujourd'hui, nous nous rendons à l'est du Canada, dans le golfe du Saint-Laurent. Nous allons rencontrer une équipe de spécialistes des baleines. Nous avons rendez-vous au Centre de recherche des îles Mingan. Dans ce laboratoire, dédié à l'étude des mammifères marins, nous retrouvons la biologiste Sophie Comtois. - On vient d'arriver : pourquoi est-ce que vous nous avez demandé de venir ? - Alors nous, on essaie de voir quelles baleines sont dans notre région, mais le golfe Saint-Laurent en général, et puis même, juste notre zone d'étude, c'est énorme ! C'est sûr qu'avec nos bateaux, on en couvre une bonne partie mais on n' est pas capable de tout couvrir. Donc le fait que vous soyez là, cela nous permet de survoler notre zone d'étude, d'orienter où on va aller chercher nos baleines... Sophie nous apprend aussi que les eaux du Saint-Laurent attisent depuis plusieurs années la convoitise des compagnies pétrolières. Or, pendant les campagnes de prospection, ces entreprises utilisent de gros canons à air comprimé, des appareils qui représentent une menace terrible pour les baleines. - C'est le bruit le plus intense qui existe, que l'homme peut induire dans l'océan. Ce bruit-là fait en sorte que les baleines qui s'orientent avec le son... ...C'est comme si finalement, on vous envoyait dans un milieu en vous bandant les yeux, puis en vous disant : " Organisez-vous comme cela !". Donc "on leur cache la vue", en leur bouchant les oreilles finalement, on sait que cela peut être problématique pour l'alimentation, pour la séparation du jeune et de la mère, parce qu'ils se perdent. Ils vont être stressés aussi, passer moins de temps à s'alimenter... Cela peut aussi faire en sorte que les baleines ne rentrent plus dans le Saint-Laurent. Pour protéger les baleines de ce vacarme assourdissant, Sophie et ses collègues voudraient limiter la prospection pétrolière. Mais, pour y parvenir, l'équipe doit d'abord identifier précisément les zones de passage des cétacés, et les endroits où ils vont se nourrir. Nous n'avons qu'une envie : partir sur le terrain avec eux pour les aider ! Moi, je vais accompagner Sophie et son équipe sur le bateau, Adrien, lui, va survoler la zone avec un autre biologiste. Ils vont tenter de repérer les baleines et de nous guider depuis le ciel. Sur le bateau comme dans l'avion, tout le monde scrute la surface de l'océan : nous recherchons le moindre indice de présence animale, le moindre souffle qui nous indiquerait la présence d'une baleine. Une mission délicate... car ces mammifères marins peuvent rester sous l'eau sans respirer pendant de longues minutes. Soudain, Adrien aperçoit enfin un groupe de cétacés. Il nous communique leur position et nous nous élançons à leur rencontre. "Oui, c'est un rorqual commun..." Je tremble presque d'excitation : dans quelques instants, je vais pouvoir admirer de près des baleines ...pour la première fois ! Le spectacle est grandiose ! On se sent tout petit à côté de ces majestueux colosses qui peuvent mesurer plus de 20 mètres de long ! Chaque été, plus de 10 espèces de baleines viennent se nourrir dans les eaux du Saint-Laurent, particulièrement riches en krill et en petits poissons. Armée de son appareil photo, Sophie prend des clichés de chaque animal que l'on aperçoit. Son but ? Les identifier un à un, grâce à leur nageoire caudale. La forme et la pigmentation de la queue sont uniques pour chaque animal. Une véritable empreinte digitale, qui permet sans équivoque de reconnaître un individu. - ...21, c'est Blank, 22, c'est Right Side... ...26, 27, 28, c'est Easy Rider... Sur le bateau, l'équipe note aussi soigneusement toutes les informations relatives à chaque rencontre, les points GPS, la taille des animaux, leur nombre, la présence de petits... Autant d'indices précieux qui, une fois analysés, permettront de mieux connaître les habitudes des cétacés. Adrien aperçoit maintenant de longues traînées orange à la surface de l'eau. Nous nous précipitons vers l'endroit indiqué, et je découvre alors que cette matière en suspension n'est autre que... de l'excrément de baleines. Les chercheurs sont ravis de pouvoir faire de tels prélèvements, car d'habitude, les déjections sont très difficiles à repérer depuis le bateau. Une fois analysées, elles leur fourniront de précieux renseignements sur le régime alimentaire et l'état de santé des animaux. Après avoir passé une bonne partie de la journée en mer, nous rentrons à la station de recherche. Mais le travail est loin d'être terminé : toutes les données recueillies doivent maintenant être consignées dans un cahier, puis entrées dans une base de données informatique. Depuis la fondation du Centre de recherche, il y a 30 ans, plus de 800 individus de différentes espèces ont ainsi été répertoriés, et certains habitués ont même hérité d'un surnom. - On le voit, sur les deux photos, celles qu'on a prises ensemble, puis celle-ci qui a été prise l'année passée, il y a une petite marque ici... Nous, cela nous fait penser à l'insecte, à la cigale, quand elle a les ailes fermées. C'est pour cela, qu'on l'a appelée "Cigale" ! Comme "Cigale", de nombreuses baleines migratrices reviennent ici chaque été. Peu à peu, les informations recueillies permettront aux chercheurs de mieux connaître ces placides mammifères marins, et donc de mieux les protéger. Après avoir survolé la région pendant plusieurs jours, il est temps pour nous de voler vers de nouveaux horizons... En quittant Sophie et son équipe, nous espérons que les baleines continueront encore longtemps d'arpenter les eaux froides du golfe du Saint-Laurent !