En ce dimanche matin, le calme qui règne dans le cloître de l’hôpital Cochin, à Paris, n’est troublé que par quelques chants liturgiques, qui résonnent dans le lointain… Et pourtant, juste à côté de la chapelle du XVIème siècle, l’établissement accueille depuis peu, des pensionnaires bien particuliers. Une soixantaine d’imprimantes professionnelles 3D flambant neuves : tout simplement la plus grande structure 3D hospitalière au monde. A l’origine de ce projet, le docteur Roman Khonsari, chirurgien à l’APHP et passionné par la technologie 3D. Installées en pleine pandémie, ces machines ont d’abord répondu aux besoins les plus urgents, et notamment en fabriquant des visières de protection pour les soignants et les malades. « Beaucoup de gens ont imprimé des visières en 3D pendant la crise du Covid. Ici, la spécificité c’est qu’on avait une force de frappe très importante. On pouvait en imprimer plusieurs milliers par jour, et c’est ce qu’on a fait. On en a imprimé des dizaines de milliers de porte-visières.» Rapidement, l’armada d’imprimantes étoffe son catalogue. Des plateaux pour tubes à essais, des adaptateurs pour masques de réanimation, ou encore des bouchons utilisés en ergothérapie… En tout, une centaine de références, dont certaines sont aussi à dimension pédagogique. « Vous voyez ici, ce modèle 3D de genou, qui est utilisé pour l’enseignement de la chirurgie orthopédique. Ce type de modèle 3D est imprimé couche par couche sur ce plateau d’impression, à partir des bobines de fil qui sont fondues par la machine.» Associée à ce projet inédit, se trouve une start-up parisienne, spécialisée dans la technologie 3D. Fondée il y a 2 ans par un trentenaire fraîchement diplômé, l’entreprise propose toute une gamme de simulateurs chirurgicaux, destinés à la formation des soignants. Avec notamment ce modèle, actuellement très demandé, qui permet d’apprendre à effectuer correctement les tests PCR, pour le coronavirus. « Le test, pour qu’il soit réalisé correctement et dans de bonnes conditions, doit passer le long du palais, jusqu’à la zone de prélèvement qui est juste au-dessus du palais. « On a beaucoup travaillé sur les propriétés mécaniques. L’idée, là, c’est d’avoir au bout des doigts la même chose que sur un vrai patient, ce qu’on n’arrive pas à avoir avec des modèles classiques qui sont faits en injection plastique, ou des modèles qui sont réalisés en silicone. Ici on a vraiment des modèles qui ont été travaillés pour que les propriétés mécaniques soient celles qu’on va avoir sur un vrai patient.» Cette entreprise, et sa dizaine de salariés, sont sur le point de déménager dans des locaux plus vastes, du fait d’une forte croissance. Il faut dire que dans le secteur de l’impression 3D, la conjoncture est aujourd’hui très porteuse. « La 3D, on l’utilise dans le cinéma, on l’utilise dans la vie de tous les jours, dans l’industrie. Il y a des jeunes qui commencent à avoir de petites imprimantes 3D à la maison comme on pouvait avoir des imprimantes jet d’encre avant. Maintenant, l'avenir de la 3D aujourd’hui, c’est incontournable en fait.» Retour à l’hôpital Cochin, où justement, des simulateurs de test PCR viennent d’être imprimés. Afin d’être finalisés, ils sont plongés dans une solution à haute température. « Vous avez ici un objet qui est en cours de post-traitement avec le support qui est en train de partir, petit à petit. Donc si on laisse cet objet encore quelques heures, ce support va se dissoudre et il ne va rester que l’objet en plastique dans sa forme finale. C'est tout de même beaucoup plus rapide que par exemple modeler cet objet à la main. Entre le moment où on lance l’impression et le moment où on a l’objet dans la main, il faut compter pour un objet de cette taille-là, 24 à 48 heures.» Prochain défi pour l’unité d’impression 3D de l’APHP : obtenir le feu vert des autorités pour fabriquer des dispositifs médicaux, c’est-à-dire, des objets dont la sécurité et la performance, critiques, sont garanties par la législation. « Par exemple, c'est tout simple, c'est un cylindre, en plastique, mais c'est un tube qui permet de connecter deux tuyaux de réanimation dans les respirateurs. Ca, c'est un dispositif médical. Pour cet objet spécifique, c'est-à-dire ce tuyau cette longueur-là, de cette épaisseur-là, il faut un dossier de plusieurs centaines de pages, des démarches très lourdes auprès d’organismes de réglementation. On est toujours en cours de démarches pour arriver à valider ces objets.» Pas de quoi pour autant décourager les porteurs de ce projet, ni même freiner son développement. Actuellement, une douzaine d’initiatives similaires sont en cours, en province et à l’étranger.