13 novembre 2015. Des terroristes touchent la France en plein coeur. En une soirée, 131 personnes perdent la vie dans la capitale. Un événement qui reste toujours traumatisant pour certains qui étaient au premier rang, témoins et proches des victimes.
- Je vais vous demander de répondre à un questionnaire qui va évaluer la façon dont vous envisagez le futur.
A Caen, 200 volontaires sont suivis depuis 7 ans par des scientifiques de l'Inserm. Parmi eux, 120 étaient présents sur le lieu des attaques. Certaines personnes ont développé un trouble de stress post-traumatique, peu de temps après les événements, et sont en rémission. D'autres l'ont développé juste après les événements mais ce trouble de stress post-traumatique peut persister.
Olivier a été distant des attaques et n'a jamais développé de troubles. D'autres au contraire vivent toujours avec d'importants symptômes.
Les personnes qui ont un trouble de stress post-traumatique présentent des intrusions. Ce sont des images de l'événement très réelles qui viennent de façon envahissante dans leur quotidien. Elles ont des évitements, un état émotionnel négatif, et également de la dissociation. C'est le fait de se sentir déconnecté de son environnement et parfois de son propre corps.
Pourquoi ces images traumatisantes resurgissent chez certaines personnes et pas chez d'autres ? C'est la question à laquelle doit répondre l'étude "Remember".
En 7 ans, c'est la troisième fois qu'Olivier entre dans cette pièce. Il va réaliser un scanner d'imagerie cérébrale. Un test où il va devoir être actif.
- C'est bon pour vous pour les consignes ?
- Oui !
- Okay, on va pouvoir commencer la tâche d'attention avec les mots en rouge et vert.
Olivier doit contrôler les images qui lui parviennent. Non pas des attentats, trop violentes, mais celles liées à des mots qui défilent devant lui. Pour les mots présentés en rouge, l'objectif est de bloquer le souvenir de l'image qui était associée à ce mot. Pour les mots présentés en vert, la personne doit se rappeler pleinement, et faire revenir dans son esprit l'image qui était associée à ce mot.
Se rappeler ou non de l'image. Mais par quel mécanisme cérébral ? C'est ce qui intéresse Pierre Gagnepain, principal auteur de l'étude.
Pendant longtemps, on a perçu le trouble de stress post-traumatique comme une altération des circuits de la mémoire et de la peur avec une hyperactivité dans ces régions-là, une hyperréactivité associée à ces circuits. Mais Pierre et son équipe ont démontré un tout autre mécanisme.
Dans la revue Science en 2020, ils mettent en avant des réseaux cérébraux défaillants impliqués dans l'oubli.
Ce qu'on a observé c'est que ce mécanisme d'oubli était complètement altéré chez les personnes qui avaient développé un trouble de stress post-traumatique suite aux attentats, par rapport aux personnes qui, elles, avaient été exposées mais étaient résilientes, c'est-à-dire qui n'avaient pas développé de symptômes suite aux attaques.
Mais les chercheurs veulent désormais aller encore plus loin avec une question. Quels sont les récepteurs du cerveau défaillants provoquant l'oubli ?
Après son IRM, Olivier part en passer un second mais différent dans cette autre salle.
Ici, on injecte dans les veines des participants un médicament radioactif. Celui-ci est produit par des chimistes sous haute protection.
Ces actions radioactives vont être liées à des molécules d'intérêt et vont nous permettre de mettre en évidence des processus biologiques que l'on ne verrait pas dans l'imagerie conventionnelle.
Autrement dit, le radiotraceur se déplace dans le cerveau sur des récepteurs bien précis. Sur cette imagerie, on l'observe ici en rouge.
A l'imagerie, ce que l'on va observer, c'est un contraste élevé du radiotraceur dans les régions qui nous intéressent, ou à l'inverse, lorsque ces régions sont dysfonctionnelles, un contraste plus faible que ce que l'on observe dans le cadre d'un fonctionnement physiologique normal.
L'hypothèse des chercheurs : une défaillance des récepteurs GABAA α5. Ils sont situés dans les circuits limbiques du cerveau.
L'objectif de cette nouvelle étude est de comprendre la structure de ces récepteurs, leur densité dans le cerveau - est-ce qu'ils sont présents en nombre suffisant ou pas -et également leur fonctionnement.
Lorsqu'on contrôle sa mémoire, qu'on la supprime et qu'on essaye d'inhiber ses souvenirs, est-ce qu'on va surmobiliser ces récepteurs pour permettre à la mémoire de rester "sous silence" ?
Avec des résultats concluants, cela permettrait de développer un traitement pour guérir les personnes en état de stress post-traumatique.
En parallèle, une autre étude, basée sur des entretiens, est axée sur le rôle de la mémoire collective.
Francis Eustache dirige le programme de recherche "13 Novembre".
En suivant ces personnes en interaction avec les constructions de la mémoire collective, on va chercher à repérer les facteurs qui vont être protecteurs, et ceux qui vont, au contraire, être délétères pour l'évolution des personnes.
C'est ça que l'on veut comprendre dans le cadre du programme "13 Novembre".
Actuellement, ce sont des heures d'entretiens avec les victimes qui sont décortiquées par les scientifiques.
De son côté, Pierre Gagnepain compte publier une nouvelle étude dans l'année sur le rôle des récepteurs dans le cerveau.