Chercheur, en fait, c'est un état, c'est pas un métier d'être chercheur. Moi je suis géophysicien. Mon métier c'est géophysicien. Mais mon... mon état, c'est chercheur. Je suis incapable de sortir de cet état qui est un état permanent, dans lequel vous êtes tout le temps. J'étais très idéaliste en étant jeune et évidemment, ce qu'on veut, c’est charger le monde. Donc c'est un peu pour ça que j'ai fait de la recherche d'ailleurs. Plus on avance, plus on se rend compte qu'on est une petite, infime, une petite goutte d'eau dans un océan et que la seule chose qu'on peut faire c'est peut-être de contribuer à son échelle toute petite, enfin mais qu'on ne changera pas le monde de toute façon. J'ai tout le temps l'impression d'être le gars qui creuse. Il faut creuser jusqu'à ce que le détail qui fait la différence apparaisse donc il faut être très très modeste. Quand j'étais plus jeune, on me taxait de touche à tout, alors que j'avais l'impression d'être tout le temps en train de creuser les choses, d'être le gars qui ne creusait pas suffisamment, mais en fait, avec l'âge, ce côté touche-à-tout est devenu une qualité, parce que ça nous permet maintenant de faire des liens entre différents domaines, différentes observations. Si vous cherchez à faire une grande découverte, vous êtes sûr que ça ne va pas marcher. Mais je crois que dans le métier d'artiste c'est aussi pareil, c'est-à-dire que si vous cherchez à faire une grande œuvre, c'est perdu d'avance. Donc il faut l'humilité pour construire un tout. Il faut une vie pratiquement pour construire un tout. Les quelques résultats que j'ai eus, ça toujours été de manière inattendue. Ce qui compte, c'est pas ce que vous pensez, c'est ce que la Terre vous dit, c'est ce que l'observation vous fait penser. Et donc nécessairement on dévie et on arrive toujours à des choses complètement différentes de ce que de ce que vous pensez au départ. Et ça demande de l'humilité, toujours de se remettre en question et de ne jamais faire passer son idée avant l'observation. Je pense d'ailleurs que dans la vie courante, ça sert beaucoup et en politique, c'est ce qu'il faudrait faire aussi. Quand on est chercheur, on s'intéresse à des détails microscopiques. C'est là qu'on fait la différence, c'est quand on est capable de voir que quelque chose ne marche pas, donc un des détails qui marche pas et donc votre idée a priori n'est pas la bonne. Donc il faut vraiment aller au bout des détails. C'est les contre exemples qui sont beaucoup plus instructifs que les exemples eux-mêmes. Pour moi c'est un vrai crève-cœur, un vrai dilemme, ça l'a toujours été parce que les grandes questions sont plus intéressantes que les petits détails. Évidemment, quand on arrive à relier le petit détail et des problèmes généraux, enfin des grandes questions scientifiques, là, c'est sûr que c'est un moment de grande excitation intellectuelle, et ça c'est unique !