"2101, sciences et fiction"
"Les sciences criminelles"
Allain Galluser, criminaliste, docteur en sciences forensiques, chargé de cours à l'École des sciences criminelles de l'université de Lausanne.
-Je voulais faire des études de droit et puis j'avais vu dans le programme qu'il y avait un Institut de police scientifique qui donnait un diplôme de police scientifique et de criminologie.
Je m'étais renseigné, j'étais allé visiter.
Ce que j'avais vu dans les vitrines, dans le musée, ça m'avait fasciné, cette recherche de traces, l'exploitation des traces pour remonter une affaire criminelle.
C'est un peu comme l'archéologie.
Vous avez des vestiges et vous essayez de savoir comment les gens vivaient à l'époque...
Je trouve ça passionnant.
C'est très proche de l'archéologie pour moi.
C'est quelque chose où...
On a des vestiges, on a des traces et on essaie d'expliquer par ces traces ce qu'il s'est passé.
Je trouve ça passionnant.
Mon domaine, c'est l'identification des armes à partir des éléments de munitions retrouvés sur une scène de crime : les projectiles, les douilles, éventuellement les bourres pour les fusils de chasse, etc.
Donc, on n'est pas tellement influencé par la science-fiction.
C'est plutôt du travail terre-à-terre.
Un projectile, ça reste un projectile.
Une douille également.
Ce sont des éléments qui sont connus depuis 150 ans.
Jusqu'à présent, ça reste encore...
Encore et toujours, les armes fonctionnent toujours de la même manière.
Il y a des perfectionnements technologiques dans le fonctionnement des armes, dans la qualité des projectiles, mais sinon ça reste toujours quelque chose d'assez stable.
Les cartouches, jusqu'à présent, n'ont pas beaucoup évolué.
Ce qui évolue, ce sont les cartouches sans douille où on essaie de supprimer la douille pour gagner du poids essentiellement dans les cartouches.
Les Allemands ont fait des essais avec le fameux fusil militaire G11.
Les Français ont aussi fait des essais avec des munitions sans douille, pour le FAMAS notamment.
Les Américains font actuellement des recherches dans ce domaine où on cherche à gagner en poids, mais en gardant la puissance de feu, le nombre de projectiles et l'efficacité des armes.
Quand on n'identifie pas une personne qui a tiré, on identifie une arme.
Après, savoir qui tenait l'arme dans les mains, ça c'est plus difficile.
On n'a jamais tous les éléments qui permettent de dire : "Oui, c'est cette arme, à 100 %, qui a tiré", parce qu'on n'est jamais sûr d'avoir toutes les armes de telle marque et de tel modèle, on n'arrive pas à une certitude.
Donc, on est dans des calculs de probabilités.
C'est pas "oui" ou "non", c'est pas "blanc" ou "noir", mais c'est quelque part entre les deux.
C'est pour ça que maintenant l'interprétation dite probabiliste prend de plus en plus d'importance.
On a des théories, comme le théorème de Bayes qui est remis au goût du jour, puisque c'est une théorie qui date du XVIIIe siècle.
Le théorème de Bayes, qui est un clergyman du XVIIIe siècle, qui a fait une théorie probabiliste avec des hypothèses alternatives.
Dans le domaine de la justice, il y a une hypothèse qui va en faveur de l'accusation, qui dit : "C'est cette arme qui a été utilisée."
Et l'hypothèse de la défense qui dit : "Non, ça peut être une autre arme de même marque et de même modèle qui a pu tirer ce projectile."
En fonction des traces que l'on trouve sur cette arme et qu'on compare éventuellement avec des traces produites par d'autres armes, on peut dire que la probabilité que ce soit telle arme, en faveur de l'accusation ou en faveur de la défense, est plus grande.
Là, on a ce qu'on appelle un rapport de vraisemblance entre les deux hypothèses.
Des fois, il n'y a pas de témoin, on ne voit rien, on retrouve un cadavre et on n'a pas d'arme.
Quelquefois, c'est difficile.
Donc là, c'est une enquête de police qui est, je dirais, classique.
Est-ce que la victime avait des ennemis ?
Et de fil en aiguille, on arrive éventuellement à remonter à la source, mais pas toujours.
Ce n'est pas comme dans les films comme "Les Experts" où, en 45 minutes, ils résolvent deux cas.
Dans la réalité, c'est pas ça.
"2101"
C'est relativement difficile de voir dans le futur.
Parce qu'en un siècle...
Si on prend les armes d'il y a 100 ans, il n'y a pas eu une grande évolution au niveau des projectiles et des munitions.
Les armes automatiques sont apparues.
Avant, c'était des armes à répétition manuelle.
Maintenant, on a des armes automatiques.
Mais sinon, les armes n'ont pas fondamentalement évolué.
Les développements vont dans la recherche éventuellement de nouveau matériaux, plus performants pour percer, transpercer des cibles, ou des munitions sans douille, ou ce genre de choses.
Mais les armes conventionnelles existeront toujours.
On aura peut-être des technologies, notamment au niveau de l'imagerie, au niveau de l'enregistrement des traces, on aura certainement des technologies beaucoup plus puissantes à ce niveau-là.
Mais le travail en lui-même, au niveau de l'interprétation, je pense qu'on va continuer les recherches, on va continuer à affiner les critères, les paramètres permettant de savoir si, oui ou non, on peut identifier, on peut individualiser une arme.
Il y a des gens qui parlent de marquer les armes à la fabrication avec un marquage individuel unique.
Évidemment, il y a énormément de réticences dans les milieux des fabricants des armes.
Tous les grands pays producteurs d'armes sont relativement contre, parce que la traçabilité des armes, on n'a pas envie que ça apparaisse.
Ça, ça pourrait être quelque chose qui pourrait faciliter notre travail.
Si toutes les armes, à la base, étaient marquées avec un marquage individuel, ça serait facile.
Je pense que les armes existeront toujours, parce que l'être humain, malheureusement, il a toujours cherché à détruire son prochain, depuis très longtemps.
Avant d'avoir des armes à feu, on avait des arcs, des flèches, des masses d'arme et autres.
Le résultat était le même.
2101, sciences et fiction
Conception et réalisation : Patrick Chiuzzi
Avec la voix de Johanna Rousset
Avec la participation d'Alain Gallusser, criminaliste, docteur en sciences forensiques, chargé de cours à l'Écolle des sciences criminelles de l'université de Lausanne
Images bande dessinée 2101 : Guillaume Chaudieu
Développeur : Thomas Goguelin
Image et son : Patrick Chiuzzi et Robin Chiuzzi
Enregistrement voix : Studio Ghümes
Musique : Ludovic Sagnier
Montage : Yann Brigant
Images additionnelles : images extradites du livre "Traces d'armes à feu, expertise des armes et des elements de munitions dans l'investigation criminelle", sous la direction d'Alain Gallusser, Presses polytechniques et universitaires romandes, Collection sciences forensiques, Images d'archives police scientifique, les experts en vérité, Shutterstock
Chromatiques
Producteur : Patrick Chiuzzi
Assistante réalisateur : Cécile Taillandier
Assistante de production : Élodie Henry
Universcience
Rédaction en chef : Isabelle Bousquet
Production : Isabelle Péricard
Responsable des programmes : Alain Labouze
Avec la participation d’Amcsti
Remerciements : Eloïse Bertrand, Alice Chiuzzi, Agate Chiuzzi, Delphine Boju, Romain Mascagni, Mathieu Gayon
Avec le soutien d’Investissements d’Avenir et la participation du Centre National de la Cinématographie et de l’image animée
© C Productions Chromatiques / Universcience / Centre de recherche astrophysique de Lyon / 2016