Quand il la regarde, il pense : « Dans cette image, il y a vingt ans de ma vie ».
Il y a ses premiers travaux sur les fibres de carbone, qu’il a appris à fabriquer en Amérique, au tout début.
Il y a l’interface autour des fibres, ces quelques microns qui décident du succès ou de la rupture catastrophique du matériau, cette limite éphémère qu’il a tant étudiée à son retour, et la matrice de carbone elle-même, dont il a découvert une nouvelle structure, plus tard.
Il y a son talent de microscopiste, l’analyse laborieuse de la structure composite du matériau, de l’atome au graphène, du toron jusqu’à la nappe.
Il y a aussi, bien sûr, les disques de frein en carbone du grand oiseau mécanique, avec des centaines de vies humaines à son bord, qui, quand il revient au sol, doit s’arrêter en quelques secondes. Il y a donc la masse énorme et la vitesse additionnée de l’appareil, toute l’énergie absorbée par les fibres de carbone qui dans ce bref laps de temps s’échauffent à plusieurs milliers de degrés en résistant à des contraintes inouïes.
Et puis, enfin, il y a son amour des images. Ce moment où il délaisse la science, s’empare de la forme, et comme à large coups de brosse, construit un tableau futuriste, telle la métaphore de la force irrésistible du progrès technique et du génie humain.
Oui, dans cette image, quand il y pense, il y a vingt ans de sa vie.
Structure composite d’un disque de frein en carbone – Microscopie électronique à balayage
Xavier BOURRAT – Laboratoire des Composites Thermostructuraux - LCTS Pessac (Université Bordeaux 1/CNRS/CEA/SNECMA)