Pourquoi chez-vous ? Laure Bereni – Sociologue au CNRS – Labex Tepsis
J’avais depuis très longtemps un goût du savoir, une curiosité pour la connaissance, j’aimais beaucoup l’école, en gros ! Mais je crois que j’avais aussi un autre ressort qui était une sorte de révolte contre une sorte d’ordre établi devant des choses qui apparaissent comme évidentes. Et ça, ça explique peut-être que je me sois dirigée vers les sciences sociales puisque les sciences sociales, leur principale manière d’être, c’est de déconstruire des évidences, d’aller au-delà du sens commun. On étudie la manière dont la différence entre les sexes et la hiérarchie entre les sexes sont socialement construites et on essaye de débusquer tous ces mécanismes sociaux qu’il y a derrière cette évidente naturalité de la binarité et de la complémentarité homme/femme. Donc on utilise la métaphore du plafond de verre qui est cette espèce de barrière invisible qui explique l’exclusion des femmes. Mais c’est une métaphore qui est assez utile parce qu’elle permet de comprendre l’invisibilité de ces mécanismes qui progressivement évincent les femmes des fonctions de direction et des fonctions d’encadrement dans une multiplicité de domaines sociaux. Dans les organismes de recherche et d’enseignement supérieur, nous sommes confrontés exactement au même mécanisme de plafond de verre. Ce qu’on constate partout, c’est qu’à mesure qu’on avance dans la carrière, les femmes se raréfient. Selon nous, il y a vraiment des mécanismes qui sont au cœur du fonctionnement de ces institutions de recherche et d’enseignement supérieur qui font que finalement, les femmes sont défavorisées et aussi, les hommes, d’une certaine manière, sont favorisés dans leur carrière. Il y a des explications vraiment sociales à ce phénomène et on ne peut pas les balayer d’un revers de main en affirmant que les femmes ne s’intéressent pas à la science et préfèrent s’occuper de leur famille et de leurs enfants, par exemple. Les idées, elles se construisent d’abord par la lecture de travaux de pairs, enfin de collègues sur son objet. Et par la confrontation de ces théories, de ces savoirs constitués avec un terrain sur lequel on va enquêter. Ça, je ne pense pas que ce soit très différent d’autres disciplines scientifiques. Et donc, c’est dans cette interaction entre l’enquête de terrain et la lecture de travaux sur l’objet que naissent des idées, des intuitions, qui vont progressivement être mises à l’épreuve et construire progressivement ce que l’on peut considérer comme étant des résultats scientifiques. Ce n’est pas un travail qui est tourné vers l’action mais c’est un travail qui est un instrument potentiel pour l’action. En tout cas, c’est ma conception du métier de la recherche que de aussi construire des savoirs qui peuvent éclairer le monde social et peut-être être des appuis à la critique de ce monde et à la mise en évidence d’injustices, d’inégalités, sur lesquelles il est peut-être possible d’agir.Je pense qu’on ne peut pas faire de la bonne science si on n’est pas autonome et si on n’est pas passionné et si on n’a pas le sentiment qu’on le fait aussi par plaisir.
Réalisation :
Geneviève ANHOURY
Production :
Ex Nihilo avec la participation d'Universcience
Année de production :
2016
Durée :
3min35
Accessibilité :
sous-titres français