Ici, on ne devrait rien voir. Rien. Ici, il ne devrait pas y avoir d’image. Juste une forêt impénétrable, un taillis sombre et confus.
Car ici siège la mémoire.
Ici s’élaborent et se fixent les souvenirs.
Ici, des dizaines de milliers de neurones enchevêtrés se touchent, s’informent, se parlent.
C’est pourquoi, comme un sculpteur s’appuie sur une veine dans le marbre pour exalter la courbe d’une forme, la jeune chercheuse s’est saisie d’une vieille et imparfaite technique scientifique : l’imprégnation de Golgi, qui pour des motifs encore mystérieux ne révèle qu’un nombre limité de neurones. Un sur mille, au hasard.
Ainsi, durant plus de quatre ans, elle a pu remonter à la source des souvenirs défaillants,
Mesurer la taille amoindrie de l’arbre neuronal,
Dénombrer une à une les épines dendritiques, en observer la forme,
Déterminer le rôle essentiel de la protéine préséniline dans les pertes de mémoire liées à l’âge,
Défricher la voie d’un diagnostic précoce.
Et puis à la fin, pour le simple plaisir de présenter son travail, de l’expliquer, elle a divulgué cette image.
Fière et heureuse de montrer tout ce qu’elle avait su voir et comprendre là où il n’y aurait jamais dû y avoir d’image.
Arborisation dendritique d’un neurone – Microscopie optique lumière blanche
Alexandra Auffret - Laboratoire Neurobiologie des Processus Adaptatifs – NPA Paris (UPMC/CNRS)