LA MENINGITE A MENINCOGOQUES
1. Histoire
Dans l’histoire de la médecine, la méningite est totalement absente des descriptions antiques. Pas un mot chez Hippocrate, le père grec de la médecine ni chez Avicenne, le prince des savants de la Perse médiévale.
Il faut attendre l’ère moderne, le XVIIIème siècle, pour qu’un médecin écossais du nom de Robert Whytt s'intéresse et décrive la méningite pour la première fois, en 1768.
Au début du XIXème siècle, les premières épidémies frappent l’humanité.
La première se déclare à Genève en 1805. D’autres suivront, en Europe et aux États-Unis. L’Afrique quant à elle est depuis 1840 régulièrement frappée par de véritables flambées épidémiques.
A la fin de ce siècle, la connaissance médicale de la méningite progresse enfin. En 1885, le bactériologiste autrichien Anton Weichselbaum décrit pour la première fois la bactérie responsable de la maladie, le méningocoque. A cette époque, le méningocoque tue 80% de ses malades.
Pour la soigner, on installe une première ligne de défense. En 1914, l’Américain Simon Flexner parvient à guérir les malades grâce à une méthode toute récente appelée sérothérapie. Elle consiste à introduire dans l’organisme des malades un sérum sanguin venant d’animaux immunisés comme le cheval. Mais l'arme décisive vient plus tard et porte un nom célèbre: la pénicilline. L'antibiotique découvert par Alexander Fleming en 1928, est utilisé à grande échelle dès la Seconde Guerre mondiale.
Les premiers vaccins, eux, se font encore attendre. Jusque dans les années 1970 où apparaissent les vaccins dits « polysaccharides ». Touchée par la méningite pendant la guerre du Vietnam, l’armée américaine décide de l’utiliser systématiquement sur ses nouvelles recrues.
La lutte contre le méningocoque s'intensifie avec l’élaboration, dans les années 2000, de nouveaux vaccins dits «conjugués ». Au contraire des premiers vaccins, ils prémunissent contre 4 sur 5 des bactéries qui entraînent la majorité des méningites. En 2010, le MenAfriVac, dernier né des vaccins conjugués, porte un coup décisif à la méningite en Afrique. Une bataille gagnée contre les bactéries, qui ne veut pas dire pour autant que la guerre est finie…
2. La géographie
La méningite est sous contrôle dans la plupart des régions du monde, à l'exception d'une zone baptisée « ceinture », en Afrique.
La « ceinture de la méningite » est une bande de terre, peuplée de 400 millions d’habitants, qui s’étire du Sénégal à la Somalie. Tous les ans, pendant la saison sèche de décembre à juin, la bactérie méningocoque sévit en Afrique subsaharienne.
Sur un cycle de 10 ans, la méningite à méningocoque survient par vague mais aussi par grandes flambées épidémiques. Si on considère le nombre de cas de méningite depuis 1970, l’épidémie de 1996 retient particulièrement l’attention. Avec ses 250 000 malades et 25 000 morts, c’est l’épidémie de méningite la plus mortelle de l’histoire. Entre 1995 et 2004, la méningite aurait été à l’origine de près de 700 000 cas et 60 000 décès dans les pays de la « ceinture ».
2014 annonce sûrement un avenir plus optimiste: le nombre de cas signalés pendant la saison sèche africaine est à son niveau le plus faible depuis dix ans. C’est qu’en 2010, l’OMS a lancé une grande campagne de vaccination avec comme cheval de bataille un tout nouveau vaccin, le MenAfriVac, plus protecteur et bon marché. Lors de cette campagne, on a vacciné plus de 150 millions de personnes dans 10 paysde la ceinture de la méningite entre 2010 et 2014: Burkina Faso, Mali, Niger, Cameroun, Tchad, Nigéria, Ghana, Bénin, Sénégal, et Soudan.
Trois ans plus tard, les résultats sont sensibles. Alors qu’en 2010, pendant la saison sèche, la méningite faisait plus de 15 000 malades, en 2014, environ 6000 cas, moins de la moitié, sont déclarés à l’OMS.
Deux exceptions échappent malheureusement à la règle: la Guinée et le Soudan du Sud... Deux pays qui n'avaient toujours pas commencé à utiliser le nouveau vaccin.
3. Le corps
Méningite vient du mot "méninges", les trois enveloppes qui entourent le cerveau et protègent le système nerveux. La méningite, c'est donc une infection des méninges, provoquée par différents micro-organismes.
Parmi eux, la Neisseriameningitidis, communément appelée méningocoque. Divisé en plusieurs souches aux caractéristiques similaires, le méningocoque est à l’origine d’un alphabet macabre de méningites : A, B, C, W135 ou encore X ou Y.
Mortelle, extrêmement contagieuse, la méningite à méningocoque A est à l’origine de la plupart des épidémies qui touchent l’Afrique subsaharienne.
En Afrique de l’Ouest, la méningite a un auxiliaire redoutable : l'harmattan, un vent très sec qui souffle pendant la saison sèche. L'harmattan transporte avec lui des particules de poussières, qui en favorisant la formation de lésions dans le nez, aident le méningocoque à franchir la muqueuse et passer dans le sang.
La bactérie passe directement d'une personne infectée à l'autre, par un baiser, un éternuement, ou le simple fait de partager un dortoir ou un verre.
Une fois dans le sang, le méningocoque se dirige vers la barrière hémato-encéphalique. C'est une cloison qui sépare le système nerveux central de la circulation sanguine. Elle est censée protéger le cerveau contre les attaques d’éléments pathogènes. Hélas, la barrière n’est pas infaillible et le méningocoque sait la franchir. Une fois dans le cerveau, la bactérie se glisse dans le liquide céphalo-rachidien, s'y multiplie et provoque un gonflement et l’infection des méninges.
Un à quatre jours plus tard, les premiers symptômes se manifestent. Les malades souffrent de raideur dans la nuque, de fièvre, de maux de tête violents, de trouble de la conscience, de léthargie... Si la maladie ne tue pas sa victime, elle peut lui laisser de graves séquelles neurologiques comme des lésions du cerveau, une perte de l'audition ou encore des troubles de l'apprentissage.
4. Les soins
Pour vaincre la méningite, il faut intervenir très tôt. Même lorsque le malade reçoit un traitement un ou deux jours après l'apparition des symptômes, il a un risque sur dix de mourir.
Après un premier examen et pour confirmer le diagnostic, il faut pratiquer une ponction lombaire. Il s’agit de prélever un peu de liquide céphalo-rachidien où sont évacués les "déchets" provenant du cerveau. On complète la ponction avec une analyse des bactéries présentes dans le sang. Souvent, un simple microscope suffit. Lorsque le microscope ne suffit pas, on met le prélèvement en culture pour identifier le type de bactérie responsable et les antibiotiques à utiliser.
C'est un diagnostic compliqué, difficile à mettre en place dans les pays pauvres. Laboratoire, matériel de ponction, personnel qualifié : dans la ceinture africaine de la méningite, seules les grandes villes disposent de ces ressources.
Pour ce qui est du traitement, il existe des antibiotiques comme le ceftriaxone, efficace même en dose unique. Mais compte tenu de la propagation rapide de la maladie, le meilleur moyen de l'empêcher de tuer, c’est encore de l’empêcher d'exister... grâce aux vaccins.
Depuis les années 2000, il existe ce qu’on appelle les vaccins « conjugués ». Lorsque la bactérie affaiblie, présente dans un vaccin "classique", ne suffit pas à produire les anticorps contre la maladie, on lui associe une protéine qui va renforcer l'efficacité de ce vaccin dit "conjugué", notamment chez les enfants de moins de deux ans.
En 2010, l’Organisation Mondiale de la Santé lance un vaccin conjugué révolutionnaire, le MenAfriVac. Depuis 4 ans, il est distribué dans les pays de la « ceinture de la méningite » dans des campagnes de vaccination de masse. Il protège mieux et plus longtemps, il réduit les risques de transmission et il coûte beaucoup moins cher que ses prédécesseurs.
FATOUMATA
La méningite c’est une maladie qui attaque surtout les enfants, mais ça attaque aussi les adultes. C’est une maladie que l’on attrape pendant la saison sèche quand il fait très chaud.Ca paralyse les enfants, ils perdent leurs jambes, ça peut rendre sourd et même sourd et muet, certains peuvent rester handicapé mental, il y en a beaucoup.
On a entendu à la télé et à la radio, qu’il y avait la vaccination, on nous a dit qu’on serait vacciné pour 10 ans.
Mais ce vaccin miracle n’a pas évacué tous les problèmes sur le terrain. Le MenAfriVac s'administre par injection intramusculaire d'où la nécessité de nombreux soignants qualifiés qui hélas manquent souvent dans ces régions du monde. Même si ce vaccin supporte mieux les températures élevées il doit toujours être maintenu au froid. L’amener au bras du patient demeure une prouesse logistique extrêmement chère.
5. Le futur
Guillaume Duménil, INSERM
J'anime une équipe d'environ huit personnes et nous travaillons spécifiquement sur les pathologies causées par le méningocoque. Cette bactérie est responsable d'infection extrêmement sévère donc de méningite c'est à dire d'infection du cerveau. C'est une bactérie en fait qui vit à l'intérieur de la gorge et qui de temps en temps va accéder à la circulation sanguine et c'est là que commence la pathologie à proprement parlé. Donc là cette bactérie, ce que nous avons montré c'est quelle se lie à la paroi des vaisseaux sanguins et à partir de là elle va franchir le cerveau, la barrière hémato-encéphalique et accèder au cerveau en lui-même et causer la méningite.
Les outils nous utilisons sont des outils qu'on va dire in vitro c'est à dire c'est des cultures de cellules on va incuber ça avec des bactéries, on va regarder ce qui se passe, on va étudier ça en niveau moléculaire, en niveau cellulaire dans le temps et en temps réel.
On travaille aussi absolument sur des modèles animaux qui vont nous permettre de mettre ces cellules dans un contexte physiologique, complet dans le contexte de l'animal qui va nous permettre d'étudier ça dans un contexte beaucoup plus réaliste, beaucoup plus proche de la pathologie.
Pour nous c'est un enjeu absolument essentiel, c'est de trouver des moyens de reproduire dans un contexte expérimental, dans le laboratoire, l'infection tel qu'elle se passe chez l'homme.
La capacité de la bactérie à interagir, à se coller le long de l'endothélium, c'est à dire les cellules qui forment à la paroi de vaisseau, on pense que c'est un élément absolument clé et si on peut développer par exemple des thérapeutiques qui vont bloquer ce processus là qui vont empêcher ce processus d'arriver et bien typiquement on aura une façon de mieux traiter cette pathologie.
Ce qu'on sait faire c'est essayer d'analyser ce qui se passe, et une fois qu'on a compris certaines étapes clés, ce qu'on va faire c'est qu'on va se tourner plutôt vers des laboratoires industriels qui eux ont le savoir-faire d'aller au-delà c'est à dire de développer plutôt les médicaments.