Pourquoi cherchez-vous ? Marc Peschanski – Directeur scientifique de l’Institut I-Stem - Genopole
Je pense qu’il faut se battre pour apporter quelque chose pour changer le monde. C’est vraiment un point de vue philosophique, mais qui est essentiel dans ce que je fais. Je suis d’une famille qui est comme ça. J’ai deux frères qui sont aussi chercheurs scientifiques dans leur domaine, ma mère l’était aussi. Et on est tous militants. Militants pour changer le monde, pour changer la vie et du coup, la recherche s’intègre à l’intérieur de ça. Je ne dis pas que c’est le cas de tous les chercheurs, loin de là. Dommage, d’ailleurs. Pour moi, c’est un moteur absolument essentiel. Ca l’est pour mes frères aussi. Trouver des nouveaux traitements pour améliorer la vie des malades, c’est une des façons de le faire. Toucher le réel c’est une part essentielle du travail d’un expérimentateur. Les biologistes sont des expérimentateurs. On est d’abord des manuels, avant d’être des intellectuels, mais on a besoin d’être aussi des intellectuels. C’est-à-dire qu’on ne peut pas imaginer se contenter du contact du réel. Sinon, on va voir s’échapper le réel. On n’arrivera pas à le maîtriser et à l’orienter comme on le souhaite. Or notre travail a un objectif. C’est de transformer les cellules en outils thérapeutiques. C’est pas du tout linéaire, c’est vraiment un travail qui se fait en cercles qui vont se croiser en permanence. Ce qu’on essaye de faire, c’est de ne pas reculer. D’une part, et c’est très important, il y a l’ambiance scientifique. C’est-à-dire qu’on n’est jamais tout seul, on a en permanence des informations qui ne sont pas directement pertinentes pour ce que nous faisons, mais qui impriment leurs marques. Le plus important dans la façon dont on regarde ces cellules, c’est de les regarder de façon heuristique, vraiment de les englober dans des approches qui sont tellement complémentaires qu’on finit par les connaître, par les admettre dans notre monde et du coup, peut-être qu’on est un peu admis dans le leur pour essayer de voir comment on peut jouer avec elles et les amener à ce qu’on veut. On ne peut pas reconstruire leur monde avec simplement des tableaux de chiffres et des dessins, même avec des photos. Il faut arriver à comprendre, à les regarder, à avoir une intimité qui permet de savoir par exemple lorsqu’une cellule va mal ou qu’une population de cellules commence à virer vers quelque chose qui n’est pas normal. Les cellules meurent, bon bah elles sont mortes mais on ne sait pas comment et ce qu’il s’est passé, si on n’arrive pas à être avec elles pendant le passage. C’est vraiment une conversation qu’on doit avoir avec ces cellules. Mais c’est un petit peu comme un dompteur avec des lions. Il doit parler à ses lions, il doit avoir une intimité, et c’est une intimité qui se crée dans le temps parce qu’il faut qu’il comprenne comment les animaux vivent. Pas simplement comment ils vont réagir à ce qu’il va faire, mais comment on peut les amener à se dépasser puisque c’est le travail permanent du dompteur. On est un peu des dompteurs de cellules.
Réalisation :
Geneviève ANHOURY
Production :
Ex Nihilo, avec la participation d'Universcience
Année de production :
2016
Durée :
3min52
Accessibilité :
sous-titres français