LA MALNUTRITION
1. L’Histoire
Le terme de malnutrition n’apparaît qu’au milieu du XXème siècle. On définit alors cette maladie à facettes comme le déséquilibre de l’état nutritionnel causé par l’insuffisance ou l’excès d’un ou plusieurs nutriments essentiels.
Mais l'histoire ne retient que la forme extrême et tragique de la malnutrition: la famine. Liée aux guerres, aux maladies et aux changements du climat, la famine harcèle les peuples depuis toujours.
Les pédiatres sont les premiers à s'intéresser à la malnutrition à travers le cas de l'enfant. Au début du XXème siècle, le professeur Antoine Marfan, l'un des pères français de la pédiatrie, décrit un état qu'il appelle athrepsie, littéralement "l'enfant sans croissance".
La Seconde Guerre mondiale, ses effets dévastateurs sur l'état nutritionnel des populations européennes, en particulier les juifs du ghetto de Varsovie et les prisonniers de guerre, accélère l'étude de la malnutrition. A partir de 1945, le médecin Anglais John Waterlow, spécialisé dans la malnutrition des enfants, enquête sur les causes du syndrome de kwashiorkor, le tristement célèbre enfant squelettique au gros ventre. Il établit également une classification des différents degrés de malnutrition, du retard de la croissance chez l'enfant au dépérissement. La "classification Waterlow" aura une grande influence sur les futurs acteurs de la nutrition dans le monde.
Il faut attendre la fin du XXème pour que la prise en charge médicale de la malnutrition s'affirme. En 1993, les grands chercheurs internationaux et les ONG spécialisées dans les problèmes de malnutrition s'accordent sur le besoin d'un protocole pour traiter la malnutrition aiguë sévère. Une poudre de lait énergétique serait la pierre angulaire de ce nouveau protocole.
L'entreprise Nutriset y travaille et met au point le F-100, premier lait thérapeutique prêt à diluer. Il sera testé avec succès au Rwanda en août 1993.
Mais on cherche une alternative encore mieux adaptée aux conditions de terrain, et un produit que les pays concernés pourraient fabriquer eux-mêmes. On y parvient en 1996 avec un mélange d'arachide, de sucre et de lait. C'est l'invention de la première pâte nutritive prête à consommer.
2. La géographie
Parce qu’elle touche près de 800 millions d’individus, soit près de 10% de la population mondiale, la sous-alimentation reste un des grands fléaux de l’humanité. Certes la proportion de la population humaine sous-alimentée a baissé depuis une décennie passant de 18,7% à 11,3% dans les pays en développement. Mais, avec la croissance démographique, le nombre de personnes souffrant de malnutrition a bel et bien augmenté.
L’Afrique subsaharienne a le taux de sous-alimentation le plus élevé de la planète. Un Africain sur 4 ne mange pas à sa faim.
L’Asie, continent le plus peuplé, compte les deux tiers de la population mondiale sous-alimentée. Pourtant, l’Asie de l’Est et l'Asie du Sud-Est ont fait des progrès spectaculaires : dans les années 70, 40% de la population était sous-alimentée, aujourd’hui 10%.
En Amérique latine et dans les Caraïbes, la population souffrant de la faim a baissé des deux tiers depuis 1990.
Cette sous-alimentation peut conduire à l’état pathologique que désigne la malnutrition et les enfants sont les plus vulnérables. Chaque année, plus de deux millions et demi d'enfants de moins de cinq ans meurent de malnutrition.
La malnutrition est souvent une cause sous jacente de la mortalité des enfants en bas âge. Les enfants malnutris ont un système immunitaire moins résistant aux maladies infantiles ordinaires, et lorsque la malnutrition s’ajoute à d’autres maladies comme le paludisme, le SIDA, la pneumonie ou la tuberculose, elle aggrave l’état du petit malade et précipite sa mort.
La malnutrition peut être chronique, ou bien aiguë. Dans le premier cas, il s'agit d'une mauvaise alimentation qui persiste dans le temps, et entraîne un retard dans le développement de l'enfant. En Asie du Sud, 46%, soit près d'un enfant sur deux, souffre de cette malnutrition chronique. Ce taux est de 38% en Afrique. Quand le corps doit consommer ses propres tissus pour survivre, on change de registre médical, on parle alors de malnutrition aiguë. En Inde, 25 millions de jeunes enfants en souffrent. Parmi les autres pays les plus touchés, on trouve le Nigéria, Pakistan, Indonésie, Bangladesh, Chine, Ethiopie, RDC, Soudan, Philippines.
En dehors des situations de conflit, la sous-alimentation s’explique par l'économie. Au Niger, 80% des 16 millions d’habitants vivent de l’agriculture. Mais le pays n'arrive pas à nourrir toute sa population, se trouvant ainsi dans une situation de sous-alimentation chronique.
Un manque de pluie, de mauvaises récoltes, et c'est la crise alimentaire, comme celles de 1996, 2005 et 2010.
3. Le corps
Le corps absorbe, assimile puis transforme des aliments pour fabriquer de l'énergie et de la chaleur.
La malnutrition, selon la définition de l'Organisation Mondiale de la santé, est un déséquilibre entre les besoins du corps en énergie, et l'apport effectif de substances nutritives.
Les enfants sont les plus vulnérables, car leur organisme, en plein développement, a des besoins bien spécifiques. Tant qu’ils sont allaités, les bébés de 0 à 6 mois reçoivent une alimentation complète. Une fois sevrés, les risques de malnutrition apparaissent.
Il existe plusieurs formes de malnutrition:
La malnutrition chronique est la persistance de carences alimentaires qui ralentissent la croissance physique et mentale de l’enfant.
La malnutrition aiguë, est une pathologie souvent conséquente d’une famine. Quand l’alimentation des enfants ne permet pas au corps d’assurer ses fonctions vitales, le corps consomme ses propres tissus, gras ou muscles.
Dans un premier temps, on parle de malnutrition aiguë modérée. Si elle se poursuit, elle va évoluer vers une forme sévère, mortelle pour l’enfant.
La malnutrition aiguë sévère peut prendre deux formes. La plus courante est appelée marasme. L'enfant squelettique a perdu graisses et muscles.
La seconde forme de malnutrition aigüe sévère est le kwashiorkor.
Le kwashiorkor, c'est l'enfant famélique au gros ventre que tout le monde connait. L’enfant fait de la rétention d'eau, des oedèmes apparaissent sur ses pieds et dans le pire des cas sur tout son corps.
Il se déclare par exemple chez un enfant trop brutalement sevré au moment où son cadet le remplace au sein de la mère.
Son système immunitaire s'affaiblit, il devient vulnérable aux maladies infantiles.
Les scientifiques étudient depuis des années ce kwashiorkor. Mais aujourd'hui encore, personne ne sait précisément pourquoi il se développe.
4. Les soins
Pour lutter contre la malnutrition, le premier impératif est de promouvoir l'allaitement maternel immédiatement après la naissance et pendant les six premiers mois de l'enfant.
Pour dépister une malnutrition chronique, la mesure de la taille par rapport à l’âge de l’enfant est un bon indicateur.
Pour la malnutrition aiguë, on utilise un simple bracelet gradué que l'on glisse autour du bras d’un enfant de plus de six mois. Il peut être facilement utilisé par des personnes de la communauté et permet de détecter rapidement la malnutrition aiguë.
Le bracelet est divisé en trois zones, verte, jaune ou rouge. La zone verte indique que l’état nutritionnel de l’enfant est bon. La zone jaune signale une malnutrition modérée et la zone rouge, une malnutrition aiguë sévère, il doit alors recevoir un traitement immédiat.
DES PATES QUI SOIGNENT (Synthé)
Pour prévenir et guérir les différentes formes de malnutrition, on prescrit aux enfants des compléments alimentaires.
Dans le cas de malnutrition aiguë modérée, des pâtes prêtes à l’emploi viennent compléter l’alimentation courante de l’enfant. Elles contiennent protéines animales, matières grasses végétales, sucres et micronutriments.
Les enfants qui souffrent de malnutrition aiguë sévère, eux, doivent recevoir des aliments thérapeutiques : leur composition est sensiblement similaire aux aliments complémentaires, mais ils sont plus concentrés en calories, et doivent constituer l’alimentation exclusive des enfants jusqu’à leur guérison.
MARIAMA (Synthé)
Au début ma fille souffrait, elle avait la peau flasque. L’agent de santé m’a dit de lui donner une cuillère le matin, une à midi et une autre le soir. Après avoir consommé seulement deux pots de ce produit, ma fille a sensiblement changé. J’en suis vraiment contente.
Pour les enfants qui souffrent d’une malnutrition aiguë sévère et d’une autre pathologie comme le paludisme, la tuberculose, le sida, ou une infection respiratoire, l'hospitalisation est impérative.
5. Le futur
Dr Kerstin Hanson, MSF
Nous avons enregistré d’énormes progrès dans le traitement de la malnutrition au cours des vingt à trente dernières années, d’abord avec le développement de la standardisation et de la préparation du lait thérapeutique, comme le F75 et le F100 et ensuite avec la création d’aliments thérapeutiques prêts à utiliser, comme le plumpy nut.
La deuxième étape nous a permis de sortir de l’hôpital et d’aller auprès des communautés pour améliorer le traitement de la malnutrition et traiter beaucoup plus d’enfants.
Malgré ces progrès, des millions d’enfants meurent encore de malnutrition. Le problème ne vient pas d’un manque de traitement ; nous avons un traitement qui est efficace pour traiter la malnutrition. Le problème, c’est l’accès à ce traitement.
Nous travaillons sur l’élaboration de stratégies simplifiées et adaptés à des contextes spécifiques et nous espérons que à travers de cela, nous serons en mesure de dépister et de diagnostiquer les enfants qui ont le plus besoin de traitement. Nous souhaitons obtenir également que ce traitement parvienne à ceux qui ont le plus besoin afin de les empêcher de mourir.
La nutrition n’est qu’un aspect de la santé infantile. Pour prévenir la malnutrition il faut agir sur la santé globale des enfants. Nous devons nous pencher sur leur développement, faire en sorte qu’ils obtiennent des vaccins, qu’ils aient des soins médicaux appropriés afin de prévenir la malnutrition et les maladies qui la causent.
Par exemple, atteint par le VIH, la tuberculose, la rougeole ou le paludisme, un enfant est plus susceptible d’être touché par la malnutrition.
Mais cela ne pourra se réaliser sans une approche politique, économique, et agricole.
Nous devons faire en sorte qu’il y ait assez de nourriture en qualité et en quantité, et qu’elle parvienne à ceux qui en ont besoin. Pour conclure, il est essentiel de continuer à détecter et à traiter les enfants atteints de malnutrition, en particulier ceux qui risquent le plus d’en mourir.