LES INFECTIONS RESPIRATOIRES AIGUËS :
Les pneumonies
1. L’histoire
Les infections respiratoires aiguës chez le jeune enfant affectent l'appareil respiratoire : nez, oreilles, gorge, larynx, trachée, bronches ou poumons. La pneumonie est la plus mortelle d’entre elles. Trois siècles avant notre ère, Hippocrate, père de la médecine, en décrit déjà les symptômes : fièvre aiguë, douleurs, toux, et crachats. « Lorsque la pneumonie est à son comble, le cas est sans remède », jugeait-il.
En 1875, le médecin suisse allemand Edwin Klebs est le premier à observer des bactéries dans les voies respiratoires des personnes mortes d’une pneumonie. Mais le lien entre bactérie et maladie reste encore obscur.
En 1882, le médecin allemand Carl Friedländer identifie précisément deux bactéries responsables de la pneumonie grâce à une nouvelle technique toujours utilisée aujourd’hui, la coloration de Gram. L’une d’elles est le streptococcus pneumoniae ou pneumocoque.
En 1918, la pneumonie détrône la tuberculose au panthéon des grandes maladies tueuses. Le médecin canadien William Osler la surnomme le « capitaine des hommes de la mort ».
A partir de la moitié du XXème siècle, grâce à l’avènement des antibiotiques, pénicilline en tête, des techniques chirurgicales modernes et des soins intensifs, le taux de guérison augmente considérablement. La mortalité due à la pneumonie s’effondre dans les pays développés.
A partir des années 1970, les premiers vaccins contre le pneumocoque accentuent la baisse du nombre de malades dans les pays riches. En 1977, on commence à vacciner les adultes et en 2000, les enfants. En 1988, débute la vaccination contre la deuxième bactérie la plus dangereuse, l’Haemophilus influenzae type b ou Hib.
Alors que la vaccination contre le Hib a été introduite presque partout dans le monde, la vaccination contre le pneumocoque, au coût élevé, peine encore à gagner les plus pauvres. En 2013, la pneumonie tue presque un million d’enfants de moins de cinq ans.
2. La géographie
La plus mortelle des infections respiratoires aiguës, la pneumonie, est la première cause de mortalité des enfants de moins de 5 ans. Elle tue 3000 enfants par jour.
En 2010, la moitié de ces victimes vivent en Afrique et 40% en Asie du Sud.
Une poignée de pays dénombre la moitié des enfants morts de pneumonie et de diarrhée : l’Inde, le Nigéria, la République démocratique du Congo, le Pakistan et l’Éthiopie.
De nombreux facteurs déclenchent la pneumonie ou l’aggravent.
La malnutrition par exemple : mal nourri, un enfant a 6 fois plus de risque de tomber malade.
La mauvaise qualité de l’air dans les foyers favorise aussi la maladie. En Afrique subsaharienne, 80% de la population utilisent encore bois ou charbon pour faire cuire ses aliments.
Même si au cours de la dernière décennie, le nombre annuel de morts a diminué presque de moitié, l’accès au soin n’est pas équitable.
La majorité des pneumonies peut être facilement soignée avec des antibiotiques. Mais dans les pays pauvres, moins d’un tiers des enfants en bénéficient. En Asie, moins d’un enfant sur 5; en Afrique, moins d’un sur 3.
La vaccination, elle aussi, est à deux vitesses. En 2011, 40% seulement de la population des pays pauvres bénéficient des vaccins contre le pneumocoque, contre 75% dans les pays riches.
Malgré tout, le vaccin contre une autre bactérie de la pneumonie, le Hib, est porteur d’espoir. A la fin des années 90, la vaccination Hib était quasiment inexistante dans les pays pauvres. Aujourd’hui, grâce au soutien de l’ONU, la vaccination Hib, bien que relativement onéreuse, est largement pratiquée partout dans le monde.
3. Le corps
Il y a deux types d’infections respiratoires : les infections des voies respiratoires supérieures, et les infections des voies respiratoires inférieures comme la pneumonie, qui s’attaque aux poumons.
Beaucoup de micro-organismes (bactéries, virus, champignons) peuvent déclencher une pneumonie. Mais deux bactéries en particulier sont responsables des cas les plus sévères : le Streptococcus pneumoniaeou pneumocoque et l’Haemophilus influenzae (type b). La plupart du temps, ces bactéries sont déjà présentes dans le nez ou la gorge des enfants. Si leur système immunitaire est affaibli par la malnutrition ou par d’autres infections comme le Sida, la bactérie en profite. Elle franchit les barrières de l’organisme, les muqueuses et descend jusque dans les poumons.
Les poumons sont composés de conduits, les bronches qui comme les branches d’un arbre se ramifient en voies respiratoires plus petites, les bronchioles. A l’extrémité des bronchioles, de petits sacs aux parois très minces, les alvéoles permettent à l’oxygène de passer dans le sang et au dioxyde de carbone d’en sortir.
Lorsque les bactéries arrivent dans les poumons, elles viennent se loger dans les alvéoles. L’organisme réagit et charge son armada de globules blancs de détruire les intrus. Au fond de l’alvéole, un amas de fluides se forme : globules blancs, restes de bactéries détruites… et les bactéries vivantes qui continuent de se reproduire. Une sorte de barrage se constitue qui empêche l’oxygène de passer dans le sang et au dioxyde de carbone d’en sortir.
Les alvéoles ne fonctionnent plus. C'est alors que les premiers symptômes apparaissent : la fièvre, comme réaction normale du corps contre l’inflammation et la toux, un réflexe causé par la présence de fluide dans nos poumons. Si c’est une forme grave, chez les jeunes enfants en particulier, leur poitrine se rétracte quand ils inspirent et leur respiration devient difficile. Dans le pire scénario, c’est la mort du tissu pulmonaire, l’infection généralisée et la détresse respiratoire. Sans soins, une pneumonie grave est presque toujours fatale.
4. Les soins
Dans de nombreux pays, pour diagnostiquer une infection respiratoire comme la pneumonie, les médecins font une radiographie des poumons et pratiquent des examens laboratoires. Mais ces outils sont rarement disponibles dans les pays pauvres où elle tue le plus.
ITV Glaucia BACCALA
Fondation Mérieux
La pneumonie, elle est due à différents pathogènes, donc les bactéries et les virus. En fonction de ces pathogènes les traitements peuvent être complètement différents.
En 2011 la Fondation Mérieux a mis en place une étude xxcentrique dans 9 pays différents, localisés sur 3 continents pour mieux identifier l’origine, la cause de la pneumonie. Nous avons mis en place des outils de laboratoire moléculaires capables d’identifier à la fois dans chaque prélèvement 19 virus et 5 bactéries différentes.
Via l’identification des pathogènes, nous pouvons améliorer les traitements, en fonction du diagnostic, et les vaccins car due au typage des pathogènes nous pouvons améliorer les vaccins existants, et identifier d’autres potentiels vaccins dans différents pays ou dans les pays ou la pneumonie est la principale cause de mortalité.
TROP CHER VACCIN (Synthé)
Le vaccin contre, la principale bactérie responsable de la pneumonie, le pneumocoque existe depuis plus de dix ans. Le dernier en date, le PCV-13 permet de réduire de 80 à 90% les infections dues au pneumocoque. Mais à cause de son prix, la plupart des pays pauvres ne l’ont pas encore intégré dans leurs programmes de vaccination.
5. Le futur
Dr Laurent Debardieux, Institut Pasteur
Les bactéries qui causent des infections respiratoires sont aujourd’hui de plus en plus résistantes aux antibiotiques. Pour trouver des solutions contre ces bactéries résistantes aux antibiotiques, nous développons aujourd’hui l’utilisation des bactériophages, qui sont des virus qui ont cette spécificité d’infecter uniquement les bactéries.
Ces bactériophages sont extrêmement abondants dans la nature, on en retrouve à peu près dans tous les milieu, que ce soit l’air, l’eau ou le sol.
Cette abondance fait qu’ils sont responsables du renouvellement des populations des bactéries à la surface de la planète.
Parmi les différentes expériences qui ont été menées jusqu’à présent, il a été clairement démontré que les bactériophages peuvent être administrés par voie aérosol, permettant une application directe du traitement des pneumonies.
L’un des avantages des bactériophages, c’est leur grande spécificité. Chaque bactérie peut être infectée par des bactériophages spécifiques. Si bien qu’en traitement, les bactériophages vont s’attaquer aux bactéries qui posent problème et ne vont pas toucher les autres bactéries contrairement à l’utilisation d’autres stratégies antibactériennes.
Dans les unités de soins intensifs, on sait par exemple que les pneumonies sont relativement fréquentes. Ces pneumonies aujourd’hui sont causées par des bactéries qui sont résistantes aux antibiotiques et l’utilisation des bactériophages peut donc être une solution pour ces patients.
Ces patients, nous avons essayé d’anticiper leur traitement au laboratoire, en isolant des bactériophages spécifiques des souches retrouvées dans les pneumonies. Nous avons démontré, qu’en effet dans les modèles, nous pouvons tester l’efficacité des bactériophages dans le traitement des pneumonies par l’utilisation d’aérosol.
L’aérosol permet l’administration directe des bactériophages au cœur du site infectieux et permet facilement sa diffusion dans les poumons permettant de résoudre rapidement l’épisode de pneumonie.
Dans 5 ou 10 ans, on peut espérer que les bactériophages fassent partie de l’arsenal thérapeutique pour lutter contre les infections bactériennes. Aujourd’hui un très grand nombre de preuves ont été apportées en laboratoire vis à vis de leur efficacité et de leur innocuité. Il faut aujourd’hui que des essais cliniques prennent le relais pour pouvoir apporter cette thérapeutique aux patients.