Philippe Besnard, Laboratoire de physiologie de la nutrition ENSBANA.
-Je m'appelle Philippe Besnard.
Je suis professeur de nutrition humaine à AgroSup Dijon, où j'anime l'équipe "Physiologie de la nutrition et toxicologie".
Notre équipe étudie plus particulièrement la détection oro-intestinale des lipides alimentaires et leur impact sur le comportement alimentaire.
Est-ce que le goût, qui est connu pour jouer un rôle très important dans les choix alimentaires peut jouer également un rôle dans notre préférence spontanée pour les lipides ?
Cette question était doublement provocatrice, tout d'abord parce qu'on a considéré pendant très longtemps que la détection orale des lipides était uniquement due à leur texture et à leur odeur, et on considérait qu'il y avait uniquement cinq saveurs de base qui constituaient le goût : le sucré, le salé, l'amer, l'acide et l'umami.
En dépit du fait qu'un certain nombre de personnes considéraient que cette question était plutôt curieuse, il s'est avéré qu'elle a été à l'origine d'une aventure scientifique intéressante qui se poursuit encore actuellement.
Au milieu des années 2000, notre équipe a été la première à montrer qu'il existait, au niveau des papilles gustatives, des récepteurs aux lipides qui étaient capables de contrôler la prise alimentaire chez les animaux.
Lorsque des souris étaient dépourvues de ce récepteur qui s'appelle CD36, on s'apercevait qu'elles perdaient la capacité à reconnaître des sources lipidiques dans un système à plusieurs choix.
Il a été montré aussi que ce CD36 existait chez l'homme, au niveau des papilles gustatives, et que lorsqu'il y avait une mutation du gène qui code pour ce récepteur, les sujets porteurs de cette mutation perdaient aussi la sensibilité pour les lipides et avaient tendance à surconsommer des lipides derrière.
Qu'est-ce que l'on sait actuellement ?
On sait qu'au cours d'un repas, l'interaction des récepteurs avec les sources des lipides alimentaires va déclencher une cascade d'informations dans les cellules gustatives qui va, au final, aboutir à une sécrétion de neuromédiateurs qui vont stimuler les nerfs gustatifs et envoyer cette information gustative vers le cerveau, qui va retraiter l'information et avoir pour conséquence un comportement stéréotypé, c'est-à-dire j'aime ou j'aime moins les lipides, et donc je vais consommer ou moins consommer ces lipides.
Est-ce qu'on peut dire pour autant qu'il existe une sixième saveur, le goût du gras ?
Il est encore un peu trop tôt pour dire que cette sixième saveur existe, et des études sont en cours pour essayer de remplir toutes les conditions requises pour que demain, on dise : il existe un goût du gras.