LE CHOLERA
1. L’Histoire
Selon de nombreux récits, le choléra existerait en Inde depuis l’Antiquité et serait né dans les eaux chaudes et saumâtres du golfe du Bengale. Avec le récit de voyage d'un officier portugais de retour des Indes, la peur d’un terrible fléau gagne le vieux continent au début du XVIème siècle.
En 1817, la première pandémie de choléra marque le début d’une nouvelle ère. A partir de l’Inde, son foyer, la maladie suit les voies du commerce pour s’étendre aux quatre coins du monde. En 1832, elle gagne un Londres en pleine industrialisation et tue plus de 7000 personnes. La même année, New York est frappée à son tour : au pic de l'épidémie, la maladie emporte plus de 100 morts par jour. La septième pandémie débute en Asie du Sud en 1961, touche l’Afrique en 1971, puis l'Amérique latine en 1991 et commet son dernier forfait en 2010 à Haïti.
En 1831, Alexandre Moreau de Jonnès soutient contre tous que la maladie viendrait d’un germe. En 1849, le médecin John Snow, fondateur de l'épidémiologie moderne, soupçonne que la maladie se propagerait à travers le réseau de distribution des eaux. Trois ans plus tard, par précaution, Londres décide que l'eau de la ville sera filtrée par du sable avant d'être distribuée, une méthode qui prouve son efficacité encore aujourd'hui.
Dès la seconde moitié du XIXème, de nombreux savants de toutes nationalités se penchent sur le bacille virgule, le vibrion cholérique responsable du choléra. En 1854, l'Italien Filipo Pacini isole le bacille. Trente ans plus tard, Robert Koch, le célèbre découvreur allemand du bacille tuberculeux, s’attire tout le mérite en démontrant que le bacille en forme de virgule est la cause de la maladie.
Les premiers soins efficaces sont l’oeuvre de l'Anglais Leonard Rogers qui développe en Inde un sérum de réhydratation par intraveineuse. Le taux de mortalité chute de manière spectaculaire. A la même période à Marseille, la javellisation de l'eau stoppe la propagation de l’épidémie.
Un siècle plus tard, dans les années 1950, les biologistes démontrent que le bacille produit une toxine. Cette découverte permettra le développement de la thérapie par réhydratation orale, la plus répandue aujourd'hui.
2. La géographie
On trouve le bacille du choléra principalement dans les eaux usées et les déjections humaines. La maladie se déclenche dans les zones où l'hygiène est précaire, ce qui lui vaut le surnom de "maladie des mains sales".
Chaque année, on estime que le choléra touche entre trois et cinq millions de personnes et en tue environ 100 000.
Le choléra frappe par pandémie, touchant une large zone géographique. L'humanité en a connu sept. La dernière qui a débuté en 1961 est toujours active.
Aujourd'hui, le choléra est endémique, c'est-à-dire qu'il sévit en permanence dans de nombreux pays. Mais les données statistiques restent floues. L’OMS, l’Organisation Mondiale de la Santé estime que les cas de choléra rapportés par les États ne représentent que 5 à 10% de la réalité! Ainsi, l’Inde et le Bangladesh, qui devraient avoir le plus grand nombre de cas annuels, ne déclarent pas leurs chiffres à l’OMS...
En 2012, les pays les plus touchés étaient Haïti, la Sierra Leone, la République démocratique du Congo et la Somalie. L’Afrique et l’Asie de l’Est sont les principaux foyers de la maladie où l’on trouve les taux de létalité les plus élevés, c’est-à-dire le pourcentage de morts par rapport au nombre de malades.
Les conflits et les mouvements de masse de réfugiés favorisent les épidémies : on estime qu'en 1994, le choléra a, en quelques semaines, tué près de 25 000 réfugiés rwandais au Congo.
Récemment, le cas d'Haïti a fait couler beaucoup d'encre.
Aucune trace du bacille, le vibrion cholérique n'avait été enregistrée à Haïti depuis au moins 100 ans. En 2010, neuf mois après le séisme qui touche Port-au-Prince, une épidémie se déclare dans le nord du pays. Après enquête, l'origine de la contamination viendrait d'un camp de casques bleus népalais qui déversait ses eaux usées dans le fleuve Artibonite, le plus grand fleuve d’Haïti. Dans le Nord, l’épidémie se propage rapidement. Le jour de la Toussaint, de nombreux habitants du Nord viennent voir leurs familles à Port-au-Prince. Le 8 novembre, le choléra explose dans la capitale.
La souche "haïtienne" du choléra, apparue au Bangladesh dans les années 90, est bien plus virulente que la souche classique. Elle pourrait être à l'origine d'une nouvelle pandémie.
3. Le corps
Le vibrion cholérique, vibrio cholerae, est une bactérie en forme de virgule responsable du choléra. Extrêmement mobile, comme la plupart des vibrions, il se déplace et se multiplie dans l'eau à toute vitesse. Le vibrion se cache dans les selles des porteurs sains, des malades et des convalescents. Il peut vivre ainsi à l'abri de sept à quatorze jours. Dans les régions du monde où le choléra frappe régulièrement, le nombre de porteurs sains est beaucoup plus important que celui des malades.
L’homme joue donc à la fois le rôle de milieu de culture et de disséminateur du vibrion. En buvant de l'eau contaminée par des déjections humaines, on ingère sans le savoir une armée de vibrions dans notre estomac.
Si dans la majorité des cas, les personnes porteuses du vibrion ne présentent pas de symptômes, c'est que le bacille a été détruit par la barrière acide de l’estomac ou que le système immunitaire a rempli son rôle. La contamination est donc aussi une question de quantité : il faut des ingestions massives de vibrions pour tomber malade.
Après le passage de l'estomac, les vibrions se multiplient dans l’intestin grêle. Ils sécrètent alors une toxine qui provoque une série de réactions biochimiques. Ces réactions entraînent des diarrhées dites en « eau de riz » et des vomissements violents. Ces premiers symptômes apparaissent quelques heures ou quelques jours après contamination.
La déshydratation est spectaculaire, les pertes d’eau pouvant atteindre 15 litres par jour, entraînant la perte de micronutriments essentiels, un effondrement de la pression sanguine et la mort.
Comme le bacille ne séjourne qu'un temps dans l’organisme de sa victime, l'objectif pour le médecin est moins de s'attaquer au vibrion que de réhydrater son patient en urgence.
Le malade récupère à une vitesse vertigineuse ; en quelques heures, il passe d’une mort annoncée à la vie recouvrée.
4. Les soins
Le choléra est une maladie facile à traiter. Mais elle frappe si vite et si fort que le défi du médecin est d’être plus rapide qu’elle.
Sans traitement, et dans 25 à 50% des cas, la pression sanguine du malade chute et la mort peut frapper en quelques heures.
Dr Saint Sauveur
Là on a un patient qui vient de nous arriver, dans un état plutôt léthargique, on vient de passer une voie veineuse, il commence à ouvrir les yeux, mais il a toujours les extrémités très froides et on arrive pas à percevoir le pouls,
Dès le déclenchement d'une épidémie, il faut installer un ou plusieurs centres de traitement du choléra, les CTC.
Un CTC comporte 3 zones principales : l’observation, l’hospitalisation et la convalescence.
Le parcours fléché organise l’entrée des malades et des accompagnants. Une zone est réservée au personnel avec blanchisserie et fournitures, une zone pour gérer les déchets, une autre enfin pour les corps.
Dans ces CTC, de l'eau chlorée est disponible en abondance pour laver le sol, les mains et les chaussures. Entre l'entrée et la sortie du centre, le patient suit un circuit balisé pour éviter une nouvelle contamination.
Le traitement repose sur la réhydratation. Avec les sels de réhydratation orale, 80% des patients guérissent. Quand la déshydratation est trop sévère, il faut perfuser les malades. L’amélioration est perceptible au bout de quelques heures et la guérison sans séquelles est obtenue en quelques jours. En parallèle des soins, il faut un environnement assaini : latrines propres et eau potable chlorée principalement...
ENRAYER L’ÉPIDÉMIE (Synthé)
En cas d'épidémie, avec des centres de traitements, on peut maintenir le taux de mortalité sous la barre des 1%.
On utilise aussi des antibiotiques pour raccourcir la durée de la diarrhée, diminuer les quantités de liquide de réhydratation et accélérer l’élimination des bacilles par l'organisme. Pour ne pas créer de résistances, l’usage massif des antibiotiques reste occasionnel.
On considère que les vaccins anticholériques sont un moyen complémentaire de lutte. Il en existe deux sortes, qui protègent en moyenne à 65% pendant deux ans. Ils doivent être administrés en deux doses, par voie orale. Leur efficacité est donc limitée, mais organiser une campagne de vaccination lors d'une épidémie peut permettre de diminuer le nombre de cas.
5. Le futur
Marie-Laure Quilici, Institut Pasteur
Le choléra est une maladie ancienne, comme la peste. Ce sont ce qu’on a appelé les grands fléaux de l’humanité.
Tout le monde connaît le choléra ; (He bien) le choléra est une maladie qui est toujours très présente dans le monde,
Il y a toujours un nombre de décès relativement important dus au choléra,
L’OMS estime à 4 à 5 millions de cas annuellement de choléra et entre 120 000 et 140 000 décès par an.
Cette maladie est due à un agent pathogène que l’on connaît mais qu’il est nécessaire de surveiller car c’est un agent pathogène qui a des capacités importantes à évoluer, en particulier à acquérir une virulence plus importante.
Il a également une capacité à acquérir une résistance aux antibiotiques qui est majeur depuis ces dernières années.
Le traitement est une réhydratation qui va se faire soit par voie orale soit par intraveineuse.
C’est essentiellement une amélioration de la logistique, en fait. Parce que mettre un traitement efficace, ça demande une présence, ça demande une logistique importante qui est souvent dans les pays qui sont confrontés à une épidémie de choléra, le plus difficile à mettre en place.
Un des objectifs pour les années à venir, c’est l’amélioration de la vaccination.
Il faudrait développer un vaccin qui donne une protection plus longue dans le temps, qui soit si possible, administrable en une seule dose, ce qui permettrait une meilleure protection des populations et également de diminuer tous les efforts de logistique nécessaire à l’administration des vaccinations.
Ca permettrait également de diminuer le coût de la vaccination.
Parmi les centres d’intérêt, les points à développer, concernant la lutte contre le choléra, c’est l’amélioration du diagnostique.
Aujourd’hui en dehors du diagnostique fait en laboratoire, il y a des tests de diagnostic rapide qui existent, plusieurs ont été mis sur le marché, sont commercialisés, sont utilisés sur le terrain.
Aujourd’hui le bilan est mitigé, on va dire que ces tests de diagnostic ne sont pas suffisamment performants, donc dans les choses à développer, là aussi dans les années qui viennent et le plus rapidement possible, ce sont de nouveaux tests de diagnostic rapide utilisable par du personnel non formé et qui permettrait d’améliorer la prévention et la prise en charge des épidémies