Pourquoi chez-vous ? Marie-Hélène Tusseau-Vuillemin – Directrice scientifique de l’Ifremer J’ai vraiment eu le déclic avec un professeur qui pour la première fois a fait le lien entre des choses abstraites, théoriques qu’il enseignait et puis ce qu’on voyait dans la nature. Et de pouvoir mettre des concepts chimiques comme ça sur la nature, ça a été un vrai déclic pour moi. Et c’est devenu ma marotte dans l’enseignement que je pratique aujourd’hui.Après avoir fait tout un cours sur les processus d’oxydo-réduction, qui sont des choses un peu arides pour eux, marcher en forêt à l’automne et puis voir une flaque toute noire et de la touiller avec un bâton, on voit des bulles qui remontent. Et les bulles, ce n’est pas ce qu’ils croyaient, c’est-à-dire de l’air qu’ils ont fait rentrer dans la flaque avec le bâton, non, c’est du méthane qui était là au fond et qui remonte. Je trouve ça super épanouissant d’avoir fait toute cette démarche intellectuelle pour comprendre quelque chose d’aussi accessible, aussi basique. Pour moi, la nature se donne à voir, il y a énormément, plus qu’énormément, il y a tout à y trouver. Et je crois que c’est pour ça que j’ai eu envie de faire le métier de chercheur. J’avais vraiment envie de déceler les impacts de cette pollution chronique que la nature ne sait pas dénoncer en brandissant une pancarte et en disant : « Stop, stop, là j’en ai trop ! » Tout ce travail long et patient d’accompagnement de ces processus naturels, c’est pour beaucoup dans ma relation à la nature et dans l’amour finalement que je peux ressentir pour cet ensemble et dans le plaisir que j’ai à lui trouver. Mettre au jour le sens, le contenu de cette nature, je crois que ça c’est indispensable à ce qu’on puisse se comprendre, nous tous qui vivons dans la nature, qui avons un tel impact sur elle. Et pour arriver à se mettre d’accord, il faut parler un même langage. Et je crois que les scientifiques ont beaucoup à apporter à cela parce que c’est leur travail d’arriver à formuler ce qu’ils comprennent de la nature et de la façon dont l’homme en y vivant la modifie, la transforme. La recherche, c’est vrai que c’est essentiellement collectif. C’est vrai que c’est une conviction personnelle très très forte qui est fondée sur mon expérience. J’ai vraiment agi de façon presque militante pour promouvoir cela. On amoncelle des résultats, des données et puis parfois, on ne voit pas ce qui va en sortir. Et c’est important d’avoir un tiers qui vient et qui peut-être tourne juste l’objet de façon à ce qu’on le regarde d’une autre façon et qu’il finisse par donner tout ce qu’il a à donner. Ça peut prendre longtemps de presser un citron pour en faire sortir tout ce qu’il a à dire, mais c’est collectivement qu’on y arrive. Tout ce qu’on découvre en écologie aujourd’hui nous démontre qu’il y a vraiment que l’homme qui pense qu’il peut optimiser son intérêt tout seul. Aucune autre créature vivante ne fonctionne comme ça. Elles vivent toujours en interaction les unes avec les autres, s’auto-organisent. Je pense que ça contribue à ce que les gens puissent se retrouver, puissent comprendre le monde qu’ils partagent. Et c’est vraiment important aujourd’hui.
Réalisation :
Geneviève ANHOURY
Production :
Ex Nihilo avec la participation d'Universcience
Année de production :
2016
Durée :
3min44
Accessibilité :
sous-titres français