AU TABLEAU !
Joël de Rosnay
Tout le monde a vu des petits vers luisants émettre leur lumière verte dans l'herbe la nuit. C'est assez mystérieux d'ailleurs. Et comment ça marche ? Comment font-ils, ces petits vers luisants pour émettre de la lumière ?
D'abord, des vers luisant, il y en a – il y en a beaucoup. On les appelle les lucioles. Il y en a au moins 2000 exemplaires de lucioles. Ce sont des vers, des larves. Mais il y a aussi des insectes coléoptères, par exemple le lampyre. Lampyre vient de lampyris, du latin qui veut dire lumière. Alors la femelle du lampyre, elle émet cette lumière par la partie arrière de son abdomen. Et cette partie arrière contient sous la cuticule, qui est un peu la peau des insectes, un réservoir dans lequel il y a deux substances chimiques qui vont nous intéresser parce que c'est elles qui produisent de la lumière. Alors quelles sont ces deux substances chimiques ? Eh bien, elles ont pour nom, d'abord une enzyme (vous savez, une enzyme c'est une protéine) et cette enzyme reconnaît, comme une clé reconnaît une serrure, une autre molécule plus petite qu'on appelle la « luciférine ». Et la luciférine est reconnue par la « luciférase ». Voilà, ça c'est le complexe typique des vers luisants, la luciférase. Luciférine et luciférase. Donc la luciférine va rentrer comme une clé dans une serrure dans ce complexe et va former, en présence d'oxygène et d'autres catalyseurs mais je passe dessus (un peu de sel de magnésium, un petit peu d'ATP) donc en présence d'oxygène O2, la luciférine et la luciférase vont former un complexe. Là je vais le faire en plus petit. Un complexe, voyez, la luciférine est dans la luciférase. Et ce complexe s'appelle un « complexe oxydé ». Il est oxydé et il est assez instable et il va se transformer en un « complexe excité ». « Excité » ça veut dire que son énergie, disons, est à un état au dessus de son état normal, et donc assez instable. Voilà ici la luciférine, voilà la luciférase et ce complexe excité fait qu'il y a des électrons non appariés, c'est-à-dire des électrons qui vont avoir envie de retrouver aussi un état normal. Et donc, cette – ce complexe va redonner, au bout d'un certain temps la luciférine qui pourra être réutilisée, mais surtout, et c'est ça qui nous intéresse, va émettre un photon. Et ce photon il est dans la longueur d'onde verte. Pourquoi les vers luisants sont verts, émettent une lumière verte. Et d'ailleurs, il y a des vers luisants qui émettent une lumière jaune, mais il y en a un peu partout dans le monde, des différents vers luisants, mais ce qui est très intéressant, c'est que cette lumière est une lumière froide, elle est très efficace. 95 % de l'énergie est transformée en lumière et seulement 5 % est transformé en chaleur. Et d'ailleurs je vais vous dire une chose qui va peut-être vous étonner, c'est qu'en Chine est en Inde, la nuit, avec des petits vers luisants dans un bocal transparent, on peut s'éclairer pour lire un livre la nuit, donc c'est une lumière qui est tout à fait intéressante.
Alors quelles sont les applications ? Il y en a – il y a plusieurs applications et l'une d'entre elles c'est un test, un test biochimique, un test biologique de cette bioluminescence, puisque ça s'appelle la « bioluminescence ». Et ce test va permettre de détecter par exemple des bactéries dans l'eau. Des bactéries ça peut être dangereux donc il faut faire un test rapide, fiable, efficace. Alors comment on fait ? Ben, on extrait une molécule qui est présente dans tous les êtres vivants, chez tous les êtes vivants, c'est elle qui donne l'énergie aux êtres vivants, et les microbes comme nous, ils ont besoin d'énergie. Et cette molécule s'appelle l'ATP : l'adénosine triphosphate. Et cette molécule d'ATP, on va la diagnostiquer dans l'eau, grâce au complexe luciférine-luciférase. Comment on fait ? On extrait d'une manière très simple, l'ATP de ces bactéries, on les dilue dans un milieu, on rajoute le complexe luciférine-luciférase, et qu'est-ce que l'on voit à ce moment-là ? Une lumière verte. Et cette lumière verte est proportionnelle à la quantité de bactéries dans l'eau. On mesure cette lumière verte avec un luminomètre et donc on a une mesure rapide, efficace, du nombre de bactéries dans l'eau. Voilà un exemple.
Mais on peut aussi penser, l'industrie y réfléchit, à des bio-ampoules, des ampoules qui seraient faites de lumière froide, grâce à ces – à ces petites miniatures, lampes miniatures en quelque sorte, dont on aurait besoin. Et alors le plus étonnant, et ça c'est très récent puisqu'il y a même eu un prix Nobel pour ce travail, un prix Nobel en 2008 de trois chercheurs. Eh bien, ils ont identifié (alors c'est plus tout à fait le même principe de bioluminescence) mais ils ont identifié une protéine fluorescente qu'on appelle la GFP, Green Fluorescent Protein. Comment ? Ben, vous savez, beaucoup d'animaux marins, dans les grandes profondeurs, qui s'éclairent en permanence, qui émettent de la lumière, des méduses par exemple. Donc ces trois chercheurs ont extrait de la méduse une protéine, ils ont cherché le gène qui permet de fabriquer cette protéine et, tenez-vous bien, ce gène a été injecté à des souris et à des singes. Et ces souris et ces singes, ben oui, ils sont devenus fluorescents. Le plus étonnant c'est que cette fluorescence, cette luminescence a été transmise à la génération d'après. Donc c'est un clonage vraiment transgénique et qui peut conduire à beaucoup d'applications. Parmi les applications de cette fluorescence ou cette bioluminescence, il y a par exemple, je l'ai dit, des tests, et il y a aussi la possibilité de suivre la maladie d'Alzheimer, de détecter certains cancers et bien entendu des bactéries dangereuses pour notre environnement et pour notre santé.