"2101, sciences et fiction"
"Biotechnologies"
Pierre Monsan, enzymologiste, Toulouse White Biotechnology.
-Nous sommes en train de piller, d'épuiser la planète très allègrement, sans souvent se poser trop de questions.
Donc, il y a un stock de carbone fossile qui d'ailleurs provient du carbone renouvelable, puisque c'est le bois des forêts, la lignine, le constituant de ce bois qui, par des transformations microbiennes, physico-chimiques, a donné finalement ce carbone fossile, le pétrole, le gaz naturel qui sont enfouis sous terre.
Donc, par opposition à cette ressource épuisable, pas encore épuisée, certes, mais épuisable, que constitue le carbone fossile, il y a une autre ressource qui est le carbone sans cesse renouvelé par la photosynthèse.
L'enjeu est beaucoup plus, pour ce carbone renouvelable, au niveau de l'utilisation non alimentaire que de l'utilisation alimentaire.
Aujourd'hui, nous disposons d'une agriculture qui peut être extrêmement performante dans certains pays, moins performante dans d'autres, pour des raisons de contexte économique ou des raisons simplement climatiques.
Donc, cette agriculture produit du carbone renouvelable par essence.
Les végétaux que l'on cultive, je citais tout à l'heure le blé, le maïs, le manioc, le riz, tout ça, c'est du carbone renouvelable.
Ce carbone renouvelable conduit à une forme de stockage, un stockage énergétique, qui est l'amidon.
Cet amidon, je le redis, c'est la base fondamentale de l'alimentation humaine, quel que soit le lieu, quelle que soit la civilisation, même certaines civilisations, par exemple, les Indiens d'Amérique ont divinisé le maïs car c'était le fond du fond de leur origine.
Donc, il y a deux aspects.
Ce carbone renouvelable sert d'abord et je dirais en priorité à des usages alimentaires.
C'est la base de notre vie sur Terre.
Mais il faut absolument que de plus en plus, ils répondent à des besoins soit énergétiques soit industriels, pour limiter la consommation de carbone fossile.
Ce carbone renouvelable n'est possible que grâce à la réaction de photosynthèse.
S'il y a éruption volcanique très importante, s'il n'y a plus de photosynthèse, par définition, il n'y a plus de carbone renouvelable.
Alors là se pose un autre problème, c'est le problème de l'épuisement du stock de carbone.
Puisqu'on n'aura plus cette vision circulaire, il faudrait rétablir cette vision circulaire, c'est-à-dire pouvoir trouver des réactions qui vont, à partir de dioxyde de carbone, reconstruire, non plus grâce à la photosynthèse, mais grâce à de l'énergie chimique, des molécules qui pourraient servir de base à l'alimentation.
Encore une fois, là, on revient sur la piste de ce qui se passe au fond des océans, près de ces sources hydrothermales profondes, où effectivement, grâce à de l'énergie chimique, on peut reconstruire les molécules du vivant.
"2101"
En 2101, on aura beaucoup avancé dans cette compréhension de l'origine de la vie, du pourquoi de la vie, du comment de la vie.
On y arrive déjà.
Un des domaines que nous travaillons au niveau de Toulouse White Biotechnology, c'est la biologie synthétique.
La biologie synthétique, qu'est-ce que ça signifie ?
Ça signifie qu'aujourd'hui, on est capables de synthétiser chimiquement les molécules qui sont le support de l'information génétique, l'A.D.N, l'acide désoxyribonucléique.
Donc, on peut construire comme ça des chromosomes et on peut mettre ces chromosomes dans des cellules et on va les transformer.
On ne sait pas encore créer de la vie à partir de l'inerte.
On ne sait pas, à partir de molécules purement synthétiques, générer un système qui soit capable de s'auto-reproduire.
Mais plus ça va, plus on décortique ces mécanismes, plus on les comprend.
Et je pense qu'avant 2101, on aura abouti.
On va atteindre de plus en plus les frontières de ce big bang biologique qu'a été l'émergence de la vie exactement, et c'est fascinant de faire le parallèle, comme on se rapproche de plus en plus de l'origine, à quelques pouillèmes de pouillèmes de secondes du big bang qui a créé l'Univers.
Au cours des dix dernières années, il y a tellement de choses qui ont évolué, tellement de notions nouvelles qui ont explosé, que j'ai du mal à dire ce que sera mon métier de chercheur à cette échéance.
Tout ce que je pourrais en dire, c'est que les outils dont nous disposons connaissent un progrès qui me fascine totalement.
Je vous donne juste un exemple.
Au milieu des années 1990, on a commencé à séquencer le génome humain.
Il a fallu une bonne douzaine, voire quinzaine d'années pour en venir à bout et ça a coûté trois milliards de dollars.
Aujourd'hui, pour moins de 1 000 dollars, on va séquencer votre génome.
Aujourd'hui, ça prendra deux ou trois jours si vous êtes bien équipé et on nous prédit pour demain un séquençage pas instantané, mais quasiment dans la journée.
Vous allez pouvoir aller chez votre médecin.
Votre médecin va vous séquencer votre génome ou une partie pour vous dire si vous allez avoir un cancer de la prostate ou du foie.
C'est ce qui est d'ailleurs, sur le plan éthique, assez inquiétant.
Vous voyez l'explosion qu'il y a eu en plus d'une quinzaine d'années.
C'est extraordinaire.
Donc, si on est sur de mêmes cinétiques d'accélération, qu'est-ce que ça donnera dans 100 ans ?
J'ai du mal à le prédire.
2101, sciences et fiction
Conception et réalisation : Patrick Chiuzzi
Avec la voix de Johanna Rousset
Avec la participation de Pierre Monsan, enzymologiste, Toulouse White Biotechnology
Images bande dessinée 2101 : Guillaume Chaudieu
Développeur : Thomas Goguelin
Image et son : Patrick Chiuzzi et Robin Chiuzzi
Enregistrement voix : Studio Ghümes
Musique : Ludovic Sagnier
Montage : Yann Brigant
Images additionnelles :
NOAA Exploration & Research, Images des profondeurs
NASA, The Big Bang – NASA/Dana Berry (Skyworks Digital): Lead Anidmator
Shutterstock
Chromatiques
Producteur : Patrick Chiuzzi
Assistante réalisateur : Cécile Taillandier
Assistante de production : Élodie Henry
Universcience
Rédaction en chef : Isabelle Bousquet
Production : Isabelle Péricard
Responsable des programmes : Alain Labouze
Avec la participation d’Amcsti
Remerciements : Eloïse Bertrand, Alice Chiuzzi, Agate Chiuzzi, Delphine Boju, Romain Mascagni, Mathieu Gayon
Avec le soutien d’Investissements d’Avenir et la participation du Centre National de la Cinématographie et de l’image animée
© C Productions Chromatiques / Universcience / Centre de recherche astrophysique de Lyon / TWB / 2016