Il a demandé à son collègue de lui fabriquer une copie fidèle du petit couteau en pierre trouvé dans le sol.

Avec cet outil tout neuf, il a longuement écharné une peau de chèvre fraîche jusqu’à ce qu’elle soit bien souple et élastique.

Puis il a placé l’outil copié sous son microscope.

Il a réglé les filtres, les prismes, les polariseurs, exploitant en expert les phénomènes de diffraction des différentes ondes lumineuses, jusqu’à rendre parfaite son image.

Sont apparues nettement à la surface du cristal de roche, les petites stries presque parallèles, les traces du corps chimique créé par le frottement entre la peau humide et le tranchant de la pierre taillée.

Enfin, il a comparé ces traces avec celles conservées sur l’outil original, celui dont il avait fait fabriquer la copie. Et c’étaient exactement les mêmes traces.

Alors il a vu la chasse à l’arc dans la forêt profonde et giboyeuse, le cervidé traqué, abattu, le dépeçage joyeux et sanglant.

Il a admiré la technique, le savoir-faire de celui qui avait travaillé avec l’outil ancien, adroitement débité dans un bloc de roche alpine.

Un expert lui aussi.

Le dernier chasseur-cueilleur de la préhistoire, il y a six mille ans, juste avant  le Néolithique.

Juste avant nous.

Tracéologie - Tranchant d’un éclat de cristal de roche – Microscopie optique à contraste interférentiel

Hugues PLISSON – De le Préhistoire à l’Actuel : Culture, Environnement et Anthropologie (PACEA) (Université Bordeaux 1/CNRS/Ministère de la Culture et de la Communication INRAP)