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La présidente du Parlement européen Roberta Metsola © AFP FREDERICK FLORIN

Le Parlement européen vote mardi pour accélérer les chantiers de rénovation énergétique et viser un parc immobilier « zéro émission » d’ici 2050 dans l’UE, mais le calendrier et les modalités feront l’objet d’âpres négociations avec les États membres.

« C’est une rare opportunité d’avoir un impact visible sur la vie des Européens », qui « se retrouvent piégés dans des maisons aux courants d’air froids, avec des factures d’énergie exorbitantes », a résumé lundi le rapporteur du texte, l’eurodéputé irlandais Ciaran Cuffe (Verts).

Réunis à Strasbourg, les parlementaires adopteront à la mi-journée leur position sur le projet législatif dévoilé en décembre 2021 par la Commission européenne pour améliorer la performance énergétique des bâtiments, ces derniers représentant 36 % des émissions de gaz à effet de serre de l’UE.

Les eurodéputés devraient s’entendre pour accélérer tous azimuts le calendrier proposé, selon le compromis trouvé début février par les principaux groupes politiques et qui devrait être entériné mardi.

L’accord entre le PPE (droite), S&D (socialistes), Renew (libéraux) et les Verts prévoit qu’à partir de 2028 (la Commission proposait 2030), tous les bâtiments neufs soient neutres en carbone, grâce à une consommation modérée et un chauffage par énergies décarbonnées. 

Surtout, il entend s’attaquer aux logements anciens à coup de rénovations, pour que tous les logements atteignent la classe E dès 2030 puis D en 2033 sur l’échelle de performance énergétique -- objectif respectivement fixé à 2027 et 2030 pour les bâtiments non résidentiels (sur cette échelle, la lettre G désigne les passoires thermiques).

C’est beaucoup plus ambitieux que ce que proposait la Commission (au moins la classe F pour les logements en 2030, puis E en 2033), et bien plus contraignant que la position adoptée en octobre par les États membres.

Les Vingt-Sept avaient repris l’objectif de bâtiments neufs « zéro émission » en 2030, mais sans approuver les exigences de classes énergétiques pour les bâtiments existants, jugeant ce critère trop variable d’un pays à l’autre et proposant plutôt un seuil maximal de consommation d’énergie par m2.

Même si six pays, dont la France et l’Allemagne, avaient appelé à relever « substantiellement » les exigences, les pourparlers entre Etats et eurodéputés pourraient s’avérer compliqués.

Certes, le projet parlementaire reconnaît l’absence d’harmonisation européennes et la variété du parc immobilier selon les pays, mais propose pour y remédier que la lettre G corresponde de facto aux 15 % des bâtiments les moins performants du parc de chaque Etat.

Enfin, il prévoit l’interdiction des systèmes de chauffage à combustibles fossiles d’ici 2035, et l’obligation d’ici 2028 pour tous les nouveaux bâtiments d’être équipés de panneaux solaires quand c’est « techniquement et économiquement réalisable ».

Chaque Etat décidera librement des incitations, restrictions et sanctions pour atteindre les objectifs, mais « les plans nationaux de rénovation devront inclure des programmes de soutien (…) prévoir une prime substantielle pour les rénovations importantes, et des subventions ciblées pour les ménages vulnérables », soulignait en février la commission parlementaire chargée du dossier.

Le texte « réduira les émissions carbone mais aussi les factures d’énergie, diminuera notre dépendance aux hydrocarbures importés, il stimulera l’emploi et l’industrie (…) C’est un plan juste et réaliste », a plaidé M. Cuffe.

Son compatriote Sean Kelly (PPE) a appelé à voter le texte, « outil clé pour notre décarbonation » -- à rebours de voix dissidentes dans son propre groupe, qui en dénoncent le coût pour les ménages et l’efficacité incertaine.

Pour autant, « il est essentiel que les Etats disposent de suffisamment de flexibilité pour garantir l’efficacité financière des rénovations », a insisté M. Kelly. Une « flexibilité pour le résidentiel » également défendue par Renew.

Le compromis parlementaire permet ainsi aux Etats « d’ajuster les nouveaux objectifs pour un nombre limité de bâtiments en fonction de la faisabilité économique et technique des rénovations et de la disponibilité de main-d’œuvre ». Les logements sociaux publics pourront être exempté « si les rénovations entraînent des augmentations de loyer non compensées par la baisse des factures énergétiques ».

Les ONG environnementales saluent l’ambition du Parlement. Mais s’inquiètent de dérogations susceptibles de saper le texte.

Elles dénoncent également une disposition adoptée en commission parlementaire ouvrant la voie à l’installation de « chaudières hybrides » alimentées en partie par des combustibles « verts » (hydrogène, biocarburants…). Une « bouée de sauvetage » pour le chauffage aux combustibles fossiles, s’est insurgé l’European Environmental Bureau.