Taïwan lutte contre une invasion de crapauds-buffles hautement toxiques
Publié le - par LeBlob.fr, avec l'AFP
Gants de protection aux mains et lampe de poche au poing, des dizaines de bénévoles de la Société taïwanaise de conservation des amphibiens ont travaillé toute la nuit pour fouiller les rizières et les potagers à la recherche de leur proie : le crapaud-buffle.
À Taïwan, les crapauds sont un symbole de prospérité, mais cette découverte inattendue a poussé autorités et écologistes à prendre des mesures pour contenir leur propagation.
Il ne devrait y avoir aucune raison pour que ces amphibiens de grande taille et hautement toxiques existent à Chaotun, une commune située sur les contreforts de la chaîne de montagnes centrale de Taïwan.
Originaire d’Amérique du Sud et d’Amérique centrale, cette espèce avait déjà causé des dégâts en Australie et aux Philippines, mais n’avait jamais été signalée à Taïwan.
Jusqu’au mois dernier, quand une habitante a signalé en avoir vu dans son potager.
« Une opération de recherche rapide et massive est cruciale lorsque des crapauds-buffles sont découverts pour la première fois », explique Lin Chun-fu, un scientifique spécialiste des amphibiens à l’Institut de recherche sur les espèces endémiques.
« Leur taille est très importante et ils n’ont pas d’ennemis naturels ici à Taïwan », ajoute-t-il.
Peu après la mise en ligne de la photo, Yang Yi-ju, experte à l’Université nationale Dong Hwa, a envoyé un groupe de volontaires de la Société de conservation des amphibiens pour enquêter.
Arrivés au potager, ils ont été choqués de trouver 27 crapauds dans les environs immédiats.
Les intrus ont rapidement été identifiés comme étant des rhinella marina, reconnaissables aux grandes glandes partoïdes situées derrière leurs oreilles, qui sécrètent un dangereux poison.
Les crapauds-buffles sont une espèce invasive dangereuse. Prédateurs voraces, ils se reproduisent très facilement et sont toxiques, un mécanisme de défense particulièrement dangereux pour les chiens qui pourraient les lécher ou les mordre.
Les agriculteurs locaux ont déclaré aux défenseurs de l’environnement qu’ils avaient remarqué l’arrivée de ces gros crapauds, mais ne l’avaient jamais signalé.
« Les agriculteurs taïwanais ignorent généralement les crapauds et les voient même favorablement, car ils aident à débarrasser la terre des parasites et sont réputés porter chance », a expliqué Yang.
« Il ne leur est jamais venu à l’esprit qu’il s’agissait d’une espèce invasive venue d’un pays étranger ».
Les responsables de la conservation et les volontaires environnementaux ont travaillé sans relâche pour effectuer une recherche minutieuse, sur un périmètre de recherche d’un rayon de 4 kilomètres.
Jusqu’à présent, plus de 200 crapauds-buffles de différentes tailles ont été capturés et hébergés à l’Institut de recherche sur les espèces endémiques.
Ces amphibiens figurent sur la liste des « 100 espèces exotiques envahissantes » établie par le groupe de spécialistes des espèces envahissantes (ISSG), un organe consultatif international.
Autrefois utilisés dans les plantations de sucre pour chasser les coléoptères de la canne à sucre, ces crapauds ont été introduits dans des plantations en Australie, aux Philippines, au Japon, dans les Caraïbes ainsi qu’en Floride et à Hawaï où ils ont causé des dommages aux écosystèmes.
Dans la culture chinoise, les crapauds sont un symbole de richesse, de longévité et de chance.
« Dans les devantures de magasins, vous pouvez trouver des totems de crapauds, des dessins et même de vrais crapauds vivants. C’est un symbole de fortune et de bonne chance », explique M. Lin.
Jusqu’en 2016, il était légal d’importer des crapauds à Taïwan en tant qu’animaux de compagnie, où ils pouvaient rapporter entre 3 000 et 4 000 dollars taïwanais (95 à 127 euros).
Mais les défenseurs de l’environnement pensent que depuis que les importations ont été interdites, les gens ont commencé à élever des crapauds géants localement et que certains se sont échappés ou ont été abandonnés.
Jusqu’à présent, la présence de crapauds-buffles n’a pas été signalée ailleurs à Taïwan.
« C’est au printemps prochain, pendant la saison des amours, que nous saurons vraiment si nous avons contenu la propagation, » estime Mme Yang.