Scott et Mark Kelly, deux jumeaux astronautes pour la science
Publié le - par le blob avec l'AFP
Imaginez envoyer un astronaute dans l’espace pendant un an et pouvoir comparer les réactions de son corps à celles de son frère jumeau resté, lui, sur Terre. C’est exactement ce qu’a fait la Nasa, qui a publié jeudi dans la revue Science, les résultats d’une étude permettant de donner une meilleure idée des conséquences sur les humains de longs séjours dans l’espace.
L’astronaute américain Scott Kelly, 50 ans, a passé en 2015 près d’un an dans la Station spatiale internationale (ISS), pendant que son frère Mark, lui-même ancien astronaute, restait sur la terre ferme. Comme Scott et Mark disposent du même patrimoine génétique, 84 chercheurs, issus de 12 universités différentes, ont scruté attentivement les organismes des deux frères pour tenter d’isoler les conséquences moléculaires, cognitives et physiologiques d’un séjour de longue durée dans l’espace (340 jours consécutifs, entre 2015 et 2016).
Résultat : la plupart des modifications provoquées par un voyage spatial disparaissent peu à peu après le retour sur la Planète bleue. Scott, qui a comme son frère participé par le passé à plusieurs missions de la navette spatiale américaine, a été examiné avant, pendant et après son voyage. Du sang, de l’urine et des échantillons de selles ont été rapportés sur Terre à bord de vaisseaux ravitailleurs.
Parallèlement, les chercheurs ont également surveillé Mark, dénommé « référent génétique terrestre ». « Des milliers de changements moléculaires et génétiques surviennent lorsque quelqu’un va dans l’espace », expose Michael Snyder, de l’université de Stanford. Mais « pratiquement tout cela revient à la normale dans les six mois », a-t-il expliqué. « C’est rassurant de savoir que lorsque vous rentrez, les choses rentrent globalement dans l’ordre ».
Batterie de tests
Des mesures de l’épaisseur de la paroi de l’artère carotide des deux frères ont été prises. Un épaississement peut être l’indicateur de maladies cardiovasculaires ou de risques d’accident vasculaire cérébral (AVC). « Notre découverte principale est que la paroi de l’artère carotide de Scott s’est épaissie lors du vol, et est restée ainsi pendant toute la durée de la mission », a expliqué Stuart Lee, du centre spatial Johnson de la Nasa. Le même changement n’a pas été observé chez Mark. Scott a également perdu 7 % de sa masse corporelle pendant qu’il se trouvait dans l’ISS, tandis que celle de Mark a elle augmenté de 4 % sur la même période. Un vaccin contre la grippe leur a été administré, déclenchant la même réaction immunitaire chez les deux frères.
Les jumeaux ont également été soumis à une batterie de tests cognitifs avant, pendant et après la mission. Ceux-ci ont montré que les performances de Mark avaient décliné à son retour, en termes de vitesse et de justesse. Chris Mason, généticien au Weill Cornell Medicine, s’est lui penché sur l’influence de l’environnement si particulier qu’est l’espace sur les gènes humains. La « vaste majorité, plus de 90 % » des changements observés, ont disparu une fois de retour sur Terre, dit-il.
L’une des observations les plus intéressantes a été faite par l’équipe de Susan Bailey, de l’université de l’État du Colorado, qui s’est penchée sur les télomères. Ces derniers se trouvent à l’extrémité des chromosomes et raccourcissent habituellement avec l’âge, ce qui fait d’eux un marqueur de la vieillesse. Avant la mission, ceux de Mark et Scott étaient très similaires. Mais les chercheurs ont été surpris de constater chez Scott une élongation des télomères pendant son séjour dans l’ISS. Les scientifiques cherchent à déterminer si l’exposition plus élevée aux radiations dans l’espace, une inflammation ou encore le stress, pourraient être la cause de cet allongement. Attention, cette découverte « ne peut pas vraiment être vue comme la fontaine de Jouvence » ou comme la preuve que les humains pourraient « vivre plus longtemps dans l’espace », a toutefois prévenu Susan Bailey. La longueur des télomères a en effet « très rapidement » décru après le retour sur Terre de Scott.
L’étude est « l’appréciation la plus complète que nous ayons jamais eue de la réponse du corps humain à un vol dans l’espace », selon Susan Bailey, de l’université de l’État du Colorado. Une question d’importance quand la Nasa envisage d’envoyer un premier humain sur Mars d’ici 2033, pour un voyage qui devrait durer au total deux à trois ans.