Sauver l’atoll d’Aldabra des déchets plastiques
Publié le - par Veronique Marsollier
Sur les 6300 millions de tonnes de déchets plastiques générés au cours de la dernière décennie, dans le monde, on estime qu’environ 12,7 millions de tonnes rejoignent les océans chaque année. Une pollution qui devrait s’accroître compte tenu des moyens insuffisants mis en œuvre dans la plupart des pays pour les collecter à la source et les recycler. Ces chiffres impressionnants tendent cependant à masquer les dégâts d’ordre environnementaux et financiers subits par certains pays qui accumulent encore plus que d’autres sur leurs côtes les déchets plastiques provenant du monde entier au gré des courants.
C’est le cas de la République des Seychelles, un petit État insulaire de 155 îles s’étendant sur 1,4 million de km2 du sud-ouest de l’océan Indien, abritant une population de 98 000 habitants. Et plus particulièrement l’une des plus importantes de ses zones marines, Aldabra, l’un des plus grands atolls coralliens surélevés au monde. Ce site classé au patrimoine mondial de l’Unesco pour sa beauté et la richesse de sa biodiversité se compose de quatre grandes îles entourant un grand lagon soutenant un écosystème marin interconnecté composé de récifs coralliens, de mangroves et d’herbes marines. Il abrite la dernière population restante de tortues géantes de l’océan Indien (Aldabrachelys gigantea), de tortues vertes nicheuses (Chelonia mydas) et d’autres espèces endémiques (grandes colonies d’oiseaux de mer et terrestres, une biomasse de poissons et de requins parmi les plus élevées de l’Océan indien…).
Pour maintenir l’équilibre de cet écosystème exceptionnel, subissant déjà l’impact du changement climatique, il est nécessaire d’éliminer les déchets plastiques qui s’y déversent et s’accumulent, et dont on connaît les conséquences néfastes. Mais à quel prix, se sont inquiétés des scientifiques de l’université d’Oxford (Grande-Bretagne) et des Seychelles ? Les chercheurs ont alors tenté d’estimer le coût d’une telle démarche pour l’atoll d’Aldabra. Leur étude est parue le 10 septembre dans la revue Scientific Reports.
Pour y parvenir, les chercheurs se sont tout d’abord basés sur les données récoltées lors d’un nettoyage complet de 5 semaines de la côte sud de la plus grande des îles d’Aldabra (Grande Terre) par la Seychelles Islands Foundation en 2019, une équipe dirigée par April Burt et Jeremy Raguain, co-auteurs de l’étude. Au cours de ce nettoyage, 25,7 tonnes de déchets plastiques ont été retirées de Grande Terre. 60 % (15,8 t) étaient des articles de pêche tels que des filets et des cordes et 24 % (6 t) étaient des chaussures en plastique, principalement des tongs. Le nettoyage a coûté 224 538 $ US et a nécessité 980 heures de travail de la part de 12 volontaires sur cinq semaines.
Fort de cette expérience, l’équipe a ensuite affiné ses estimations en se basant sur des enquêtes menées dans 20 sites de Grande Terre. La quantité totale de déchets sur les zones côtières d’Aldabra atteindrait pas moins de 513 tonnes, la plus grande accumulation jamais estimée pour une seule île. La collecte et l’enlèvement de ces 513 tonnes de déchets exigeraient 18 000 heures de travail et coûteraient 4,68 millions de dollars, estiment les auteurs. Force est de constater que le poids financier d’une telle dépollution pour ce petit pays aux moyens limités est particulièrement lourd, voire impossible à supporter sans aide.
En conclusion, malgré leur coût élevé, les auteurs insistent sur la nécessité d’opérations de nettoyages pour sauvegarder l’atoll. Leur solution : la mise en place d’un financement international compte tenu de la nature « transfrontière » du problème des déchets plastiques marins. Un modèle qui pourrait être repris pour d’autres États dans la même situation.