Rien n'arrête les cacatoès, pas même un couvercle de poubelle
Publié le - par Le blob.fr, avec l'AFP
L'être humain, pour acquérir de nouvelles compétences, s'inspire souvent de modèles plus expérimentés, à l'instar des enfants qui observent et reproduisent les gestes de leurs aînés, ou des sportifs amateurs qui analysent le jeu de jambes des champions pour les imiter. Cette méthode éprouvée fonctionne aussi chez les cacatoès, selon une étude publiée jeudi dans la revue Science, qui se penche sur les poubelles de Sydney pour documenter un exemple d’ « apprentissage social » dans le règne animal.
Tout a commencé lorsqu'un scientifique de l'Australian Museum a filmé avec son téléphone un cacatoès à huppe jaune en train de d'ouvrir une poubelle à l'aide de son bec et d'une patte, pour se repaître de son contenu. « Ça nous a intrigués parce qu'il s'agissait d'une innovation, d'un nouveau moyen d'accéder à des ressources en ville », raconte Barbara Klump, de l'institut Max Planck sur le comportement animal, auteure principale de cette étude. Les chercheurs ont réalisé qu'ils tenaient là une chance rare d'étudier les transmissions de nouveaux savoir-faire dans le monde animal.
Ces cousins du perroquet, connus pour leurs crêtes imposantes et leur grande intelligence, « sont présents sur toute la côte est de l'Australie et les poubelles sont exactement les mêmes partout », des conditions parfaites pour une expérience grandeur nature, selon la chercheuse. Mais d'abord, il fallait savoir si d'autres cacatoès savaient ouvrir ces précieux garde-manger.
Dans un questionnaire en ligne, les chercheurs ont demandé aux habitants du Grand Sidney et de la région de Wollongong (plus au sud) s'ils avaient déjà été témoins de cette prouesse et quand. Leurs réponses ont montré qu'en 2018, les cacatoès n'avaient été pris en flagrant délit que dans trois quartiers, alors qu'à la fin de 2019, la pratique avait été constatée dans 44 d'entre eux. Une analyse plus fine a confirmé que la technique s'était d'abord propagée dans les quartiers adjacents des premières zones, puis s'était étendue de plus en plus loin, ce qui a permis d'écarter l'intervention du hasard
« Cultures locales »
Pour mieux comprendre le phénomène, l'équipe a observé de plus près les cacatoès à l'œuvre et a pris conscience de la difficulté d'ouvrir une poubelle quand on est ailé. Sur un groupe donné, seuls 10% de ces oiseaux réussissaient à ouvrir les poubelles, les autres profitant des efforts de ces « pionniers ». La manœuvre des plus doués consiste en cinq étapes : faire levier sur le couvercle, l'entrebâiller, le bloquer, se déplacer vers la charnière pour l'ouvrir plus grand, le renverser. A chaque étape, les chercheurs ont observé des variations : certains cacatoès ouvraient le couvercle au niveau de la poignée, d'autres plus près des bords, d'autres renversaient leur tête pendant la manipulation... Et les différences étaient corrélées à la géographie, avec certaines techniques très localisées dans certains quartiers.
« Ça montrait l'existence de sous-cultures locales, comme il peut exister des traditions locales », souligne Barbara Klump. De telles différences ont déjà été observées chez d'autres animaux, notamment chez les singes ou les baleines, dont les sons peuvent être différents selon les régions, à l'instar de dialectes locaux. Cette étude ajoute une ligne à la longue liste des talents prouvés des cacatoès -- qui peuvent résoudre des puzzles complexes ou danser en rythme sur de la musique -- et illustre leur capacité d'adaptation dans un environnement urbain.
Mais ces oiseaux ne sont pas juste des têtes bien faites, ils sont aussi très sociaux. Dans la journée, ils restent en petit groupe, d'environ cinq, mais le soir, ils forment de larges groupes de 50 à 500 volatiles. Pour Barbara Klump, l'échange des bons tuyaux se fait probablement en petit comité. « Ils font attention les uns aux autres, apprennent les uns des autres et se transmettent le savoir... C'est intéressant de voir comme ils nous ressemblent à certains égards ».