Pyrénées : les lacs montagnards verdissent et des poissons sont désignés coupables
Publié le - par Le Blob, avec l’AFP
À 1 800 mètres d’altitude, une étrange couleur verte remplace de l’eau cristalline de l’étang d’Areau, près de Seix en Ariège. Il y a plusieurs siècles, des poissons y ont été introduit. Seulement, « quand on voit ces animaux dans les lacs de montagne, on voit un écosystème qui est perturbé », assure Adeline Loyau, biologiste et ingénieure de recherche à l’Institut national polytechnique (INP) de Toulouse.
Pour certains chercheurs, le vairon, un petit poisson de dix centimètres serait le principal responsable de ce dérèglement. Normalement, il vit dans les rivières fraîches, mais il est également utilisé comme appât vivant par les pêcheurs. Seulement, lorsqu’il parvient à s’échapper de l’hameçon ou qu’il est relâché par les pêcheurs, le vairon s’acclimate dans l’environnement.
Si le lac devient vert, c’est parce que le petit poisson dévore amphibiens et insectes, ainsi que le zooplancton, des crustacés microscopiques « dont le rôle est de manger les algues et de maintenir l’eau très claire et pure », explique Adeline Loyau. Et lorsqu’un lac devient vert, « c’est que les algues ont gagné », complète Dirk Schmeller, professeur spécialiste de l’écologie des montagnes à l’INP et mari de la scientifique.
Mais la prolifération des algues n’est pas uniquement due au vairon. Les chercheurs débattent encore de l’impact du poisson, car « il y a un cocktail de facteurs de perturbation », précise Didier Galop, directeur de recherche au Centre national de recherche scientifique (CNRS), spécialiste de l’histoire et de la géographie de l’environnement, et également pêcheur. Les températures élevées dues aux réchauffements climatiques ainsi que les nombreux troupeaux de situés près de ces points d’eau peuvent également expliquer le verdissement des lacs.
Pour Didier Galop, ce phénomène est plutôt rare. Mais les scientifiques Dirk Schmeller et Adeline Loyau estiment que les lacs verts sont de plus en plus fréquents, notamment sur des petites surfaces d’eau.
En Espagne, de l’autre côté des Pyrénées, des lacs verts ont été observés dès 2011. Trois ans plus tard, des programmes d’élimination des poissons, à l’aide de filet ou de pêche électrique ont été mis en place. Depuis 2018, le parc national des Pyrénées françaises limite les populations de poisson. Mais quelques réintroductions « sauvages » ont été constatées par la suite. Pour trouver un équilibre entre loisirs et préservation des écosystèmes, le parc compte sur la sensibilisation des pêcheurs.
« Les poissons, c’est aussi de la biodiversité », soutient Sébastien Delmas, président d’une association regroupant les fédérations de pêche des Pyrénées. Il reconnaît que le vairon pose problème. Pour limiter la pêche au vif en montagne, il souhaite « harmoniser les réglementations » qui actuellement sont différentes d’un département à l’autre.
Pour lui, il faudrait aussi regarder du côté du tourisme pour comprendre le dérèglement des lacs. « Sur une journée d’été, il peut y avoir trois ou quatre pêcheurs autour d’un lac, mais 300 baigneurs, et les pêcheurs sont toujours accusé », regrette Didier Galop. En effet, la baignade et l’utilisation de crème solaire ou de produits anti-moustique ont également un impact sur l’écosystème.
Dirk Schmeller, favorable à l’élimination des poissons, estime aussi qu’il faudrait réduire l’utilisation de polluants autour des lacs. « Après, on a juste le réchauffement climatique à changer… », relève-t-il avec ironie.